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L'origine du jeu d'échecs
Les origines du jeu d’échecs se perdent dans la nuit des temps. En fait, les historiens et spécialistes sont à peu prêt d'accord pour fixer le premier jeu d'échecs en Inde au VI éme siècle de notre ère. Néanmoins, aucun écrit ne permet d'affirmer ces hypothèses. Mais si l'origine du jeu est difficile à fixer avec précision, de nombreux pays (Égypte, Grèce, Chine) revendiquent l’invention car il existe plusieurs jeux anciens voisins de l’actuel jeu d' échecs.
Comme l'écrit Richard Eales dans son livre CHESS, The history of a game 2, la recherche des origines des échecs est similaire à la recherche du « chaînon manquant » dans l'évolution humaine.
La plupart des historiens sont maintenant d’accord pour dire que les pièces les plus anciennes datent environ de l’an 600. C’est également la date approximative des premières références au jeu d’échecs dans la littérature.
Connu tout d’abord sous le nom de Chaturanga (jeu qui se jouait avec 4 armées), il se propagea sur les routes du commerce et des conquêtes d’abord en Perse puis dans l’empire byzantin et dans le reste du continent asiatique.
L'Europe découvrira le jeu aux alentours de l'an mil grâce à l'influence arabe exercée tout autour de la méditerranée et plus particulièrement dans la péninsule ibérique.
Les croisades auront également un rôle important car malgré l'atrocité des combats et les milliers d'innocents morts, l'apport des échanges entre l'Occident et l'Orient furent particulièrement nombreux et importants.
La légende du brahmane Sissa
Au Vè siècle de notre ère, vivait en
Inde un jeune monarque très puissant, d'un excellent caractère au
demeurant, mais que ses flatteurs corrompirent.
Ce prince en oublia bientôt que les rois doivent être les pères de leurs peuples, que l'amour des sujets pour leur roi est le seul appui solide du trône, dont ils font toute la force et la puissance. Les brahmanes lui rappelèrent ces importantes maximes. Mais enivré de sa grandeur qu'il croyait inébranlable, il méprisa leurs sages remontrances. C'est alors que selon la légende, le brahmane Sissa entreprit indirectement de faire ouvrir les yeux au jeune prince. Dans ce but, il imagina et inventa le jeu d'Échecs, où le Roi, bien que la plus importante de toutes les pièces, est impuissant pour attaquer et même pour se défendre contre ses ennemis sans le secours de ses sujets. Le nouveau jeu, rapidement, devint célèbre. Et le roi qui en entendit parler voulut l'apprendre. En lui expliquant les règles, le brahmane Sissa lui fit goûter des vérités importantes qu'il avait refusé d'entendre jusque-là. Le prince, sensible, changea petit à petit de conduite, et, reconnaissant de lui avoir ouvert les yeux il laissa au brahmane le choix d'une récompense. Celui-ci demanda, à la surprise du prince, qu'on lui donna le nombre de grains de blé que produirait le nombre de cases de l'échiquier, un seul pour la première, deux pour la seconde, quatre pour la troisième, et ainsi de suite en doublant jusqu'à la soixante-quatrième. Aucune difficulté pour accéder sur le champ à la modicité apparente de cette demande. Mais quand ses trésoriers en eurent fait le calcul, ils arrivèrent au chiffre de : 18.446.744.073.709.551.615 grains de blé c'est à dire 18 quintillions de grains (soit toute les moissons de la Terre pendant environ cinq mille ans, soit de quoi remplir un grenier dont la base aurait 25 km de côté et la hauteur dépasserait 2 kilomètres.). Le roi s'était donc engagé à une chose pour laquelle tous ses greniers et ses trésors ne suffiraient pas. La légende raconte que le brahmane Sissa se servit encore de cette occasion pour faire sentir au prince combien il importe aux rois de se tenir en garde contre ceux que l'on abuse de leurs meilleures intentions. Des variantes de cette légende existent, l'une suggérant que le roi accepta à condition que le sage compte les graines lui-même, une autre affirmant que Sissa eut la tête tranchée pour une telle effronterie. Certaines versions disent que Sissa ne demanda rien en échange mais que le roi insistant, Sissa aurait alors décidé de se moquer du roi en lui demandant une récompense qu'il ne pourrait donner. Cette légende est la plus célèbre concernant l'origine du jeu d'échecs et elle était déjà connue au Moyen- Âge puisqu' on la retrouve dans les oeuvres d'Averroès et de Leonardo Fibonacci. |
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La légende Firdusi
Fidursi (environ 935-1020), appelé aussi l'Enchanteur,
se nommait en réalité, Abu al-Qasim Mansur, et il était le fils d'un
petit propriétaire terrien.
Il fut longtemps poète de cour du sultan Mahmud, mais tombé en disgrâce, il dut s'enfuir. Son oeuvre majeure fut le Shah-Name, Le Livre des Rois, qu'il rédigea en trente ans environ. Composé de 50 000 distiques, cette oeuvre, écrite dans une langue néo-persane colorée et harmonieuse, rassemble toutes les légendes concernant l'histoire de l'Iran, depuis son origine. Ainsi Firdusi, nous raconte dans Le Livre des Rois qu'un souverain indien, très riche et très sage, mourut subitement. Comme son fils, appelé Gav, n'était âgé que de quelques années, c'est le frère du roi défunt qui prit le pouvoir. Le nouveau roi épousa la veuve de son frère dont il eut un fils appelé Talhend, mais le souverain mourut également au bout de quelques années. Comme les deux enfants avaient respectivement sept et deux ans, c'est la mère qui devint reine de son peuple. Elle gouverna avec justice et sagesse, et essaya d'élever ses deux fils de façon qu'il n'y ait pas de brouilles ni de différends entre eux, en les confiant à deux prêtres. Les deux précepteurs, contrairement à ce que souhaitait le reine, alimentèrent la haine et l'hostilité chez les deux frères, hostilités qui se transforma rapidement en lutte ouverte. Tous les deux aspiraient au trône, Gav en tant qu'aîné, Talhend en tant que fils du dernier roi, et ils prirent chacun la tête de deux factions opposées. Talhend, sourd aux prières de sa mère, refusa la tentative de paix proposée par son frère aîné et rassembla d'autres soldats pour une nouvelle bataille. Alors Gav, conseillé par son ministre, proposa que les deux armées se rencontrent dans un fossé profond, rempli d'eau, afin qu'aucun combattant ne puisse s'enfuir : ainsi, la victoire reviendrait définitivement à l'un ou l'autre frère. Talhend accepta la proposition et les deux armées s'affrontèrent sur le lieu choisi. La bataille fit rage, l'armée de Talhend céda progressivement et ce dernier, immobilisé sur son éléphant, sans nourriture, accablé par le vent et le soleil, mourut lentement. Son frère victorieux rendit à la dépouille les honneurs funéraires les plus solennels. La mère, apprenant la mort de son fils cadet, se désespéra, persuadée qu'il avait été assassiné par son frère et, selon les coutumes des femmes indiennes, se fit préparer un bûcher. Gav accourut et essaya d'apaiser la colère et le désespoir de sa mère qui, peu convaincue, voulut connaître les moindres détails de la mort de Talhend. Tous les rescapés de la bataille furent alors convoqués et, pour donner une représentation visuelle et donc plus expressive du combat, on prépara une table carrée, divisée en plusieurs cases, sur laquelle on disposa des pièces taillées dans le bois qui représentaient les deux armées adverses. La bataille fut reconstituée et la reine, finalement convaincue, régna à nouveau avec son fils Gav. Cette légende est très évocatrice et nous fournit une explication sur l'origine et la nature de chaque pièce, modelée, selon le schéma de l'armée indienne. On parle également beaucoup de l'introduction du jeu dans l'ancienne perse, à l'époque du grand roi sassanide Chosroês "à l'âme immortelle", qui a vécu de 531 à 579. Au VI ème siècle, un souverain indien, Bevisara, charge son ambassadeur d'offrir en cadeau au roi de Perse Chosroês Ier un jeu de chaturanga, objet précieux fait de rubis et d'émeraudes. L'ambassadeur met au défi Chosroês Ier de trouver la clé de ce jeu. Tous les sages du royaume cherchent en vain la solution jusqu'au moment où l'un d'eux non seulement explique le sens du jeu et en donne l'interprétation guerrière, mais gagne la partie qu'il engage contre l'ambassadeur indien. Prononcé à l'iranienne, le nom du jeu devient chatrang ou ciatrang. Très rapidement, les Iraniens se révèlent d'excellents joueurs. D'Asie, le jeu va gagner les régions occidentales par des voies très différentes. |
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Légendes médiévales
A partir du XIII ème siècle, la pratique du jeu
d'échecs est devenue courante en Occident.
Des joueurs éclairés ont voulu assurer au "roi des jeux" le prestige et la légitimité de la haute Antiquité. De nombreuses fables et légendes ont alors circulé. Sachant que le jeu provenait d'Orient, certains ont imaginé le roi Salomon jouant aux échecs pour éblouir la reine de Saba. D'autres, le philosophe Xerxès offrant au roi de Babylone Evilmodorach ce jeu de guerre pour apaiser sa folie meurtrière. De plus avisés, remarquant que la Bible ne fait pas mention des échecs, leur ont trouvé un "inventeur" dans le monde grec en associant deux illustres personnages qui faisaient déjà beaucoup rêver : Aristote aurait ainsi instruit le jeune Alexandre le Grand ... Une autre légende remonte à la mythologie : Palamède (fils de Nauplios, roi d'Eubée et de Clymène -1300 av. J.C), héros de L'Iliade et grand rival d'Ulysse, aurait inventé les échecs pour divertir l'armée grecque alors que le siège de Troie s'éternisait. Célèbre pour son intelligence, le Palamède grec reste celui auquel de nombreuses inventions sont attribuées : l'alphabet, les nombres, la monnaie, les dés ou encore le jeu de dames ... alors remplacé par celui des échecs. Palamède, c'est aussi le nom d'un chevalier de la Table ronde qui occupe une place importante dans la littérature courtoise du XIII ème siècle. Jouant sur l'homonymie avec le héros grec, la légende du roi Arthur fait de ce chevalier Palamède, fils du sultan de Babylone mais converti au christianisme, l'instructeur de ses compagnons d'armes avec ce jeu qu'il a rapporté d'Orient. Ce Palamède devient l'inventeur "idéal" du jeu d'échecs pour la société médiévale : il concilie fable avec de réelles origines orientales et pense le jeu comme un parcours initiatique qui s'inscrit dans la quête du Graal. Chevalier au mérite d'avoir livré "le plus noble des jeux", Palamède est représenté avec des armoiries "échiquetées d'argent et de sable", c'est-à-dire en damier noir et blanc. En s'appropriant le jeu, la société médiévale crée son propre mythe : pour de nombreux joueurs, Palamède demeurera "l'inventeur des échecs" jusqu'au ... XIX ème siècle.
Selon une autre légende, inventée par le poète anglais William Jones en 1763 dans un poème en latin, Euphron (frère de Vénus et dieu des sports) aurait créé les échecs pour aider Mars à séduire la belle Caïssa. Cette dernière est parfois considérée comme la déesse des échecs.
ATTENTION: Il est clairement acquis que les grecs (comme les romains plus tard) ne connaissaient pas le jeu d'échecs. Il n'existe aucune référence à ce jeu. |
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La Légende de Perceval (Chrétien de Troyes)
Poursuivant sa route, Perceval, finit par arriver devant
une rivière.
Parvenant à la traverser, Il aperçoit par delà l'eau, un châtelet digne d'admiration, posé sur un versant. Après quelques chevauchées, il arrive au château. Perceval va droit à la tour, qui était digne d'admiration. Il descend de cheval et pousse la porte. Au milieu, il y avait un échiquier peint d'azur et d'or fin. De la magnificence de ces échecs poli, d'émeraude et de rubis, il ne puis vous dire toute la beauté tant ils lançaient une grande clarté. Admirant les pièces, le héros "pense en lui même" qu'il n'a jamais vu un jeu d'une telle richesse et, s'approchant du jeu, il prend un pion et le pousse en avant. Alors mystérieusement, un pion du parti adverse se déplace tout seul. Perceval en repousse un autre et de nouveau, en face, un pion s'avance. Et le jeu se poursuit avec un adversaire invisible rendant coup pour coup ... au point que Perceval perd la partie. Notre chevalier demeure ébahi ... d'autant plus que les pions se replacent tout seuls sur leurs cases. Il engage une nouvelle partie. Mat cette fois encore, il s'entête, rejoue, reperd ... et perd son sang-froid. Ramassant les pions en pestant contre le jeu il va à la fenêtre pour les jeter dans l'eau de la rivière qui passe juste devant. A cet instant comme surgissant de l'eau, une demoiselle se montre : Vêtue de soie vermeille brodée d'or et semée d'étoiles d'or aussi claires que des chandelles, elle était, plus belle qu'aucune créature. Et cette merveilleuse apparition dit à Perceval : Sire, les échecs sont en ma garde, ne les jetez point vous feriez grande vilenie. Dans le monde on ne peut trouver un aussi beau jeu. Aussi doit-on le garder. Perceval répond qu'ainsi il fera et lui demande d'avoir la courtoisie de venir en sa compagnie. Elle acquiesce et, la prenant dans ses bras, à travers la fenêtre, il la dépose dans la chambre. Là, assis près de l'échiquier, et la contemplant, Perceval se dit qu'il n'a jamais vu une aussi ravissante personne au point qu'il soupire et se sent tout saisi d'amour pour cette étrange châtelaine. Ne pouvant cacher son désarroi il lui avoue sa passion et l'embrasse. Se dégageant de son empreinte elle lui dit : "Jamais d'aimer je ne fus requise ; vous êtes le premier. Toutefois soyez certain que si violence me faisiez entièrement taillé en pièces vous seriez. Mais si mon amour voulez avoir, il vous sera nécessaire d'aller dans le parc à côté et de chasser le blanc-cerf jusqu'à ce que vous puissiez l'atteindre. Si vous m'en rapportez la tête, mon amour aurez sans contredit" Et voila, Perceval parti à la recherche de Cerf-Blanc. Il existe un autre échiquier dans le Perceval de Chrétien de Troyes et qui intervient lors d'une aventure de Messire Gauvain. Ce dernier, accueilli cordialement en la cité d'Escavalon sur l'ordre du seigneur du lieu, ignore qu'il est introduit chez son pire ennemi. Et le seigneur, n'ayant jamais vu Gauvain (son hôte), ni demandé à celui qu'il invite si généreusement son identité, n'apprendra que plus tard sa méprise. En attendant Gauvain est conduit dans une tour auprès de la gracieuse sœur du châtelain et le sémillant chevalier ne tarde pas à se montrer des plus courtois. Mais entre alors un vassal du seigneur qui, reconnaissant le preux, donne l'alerte à la cité. La cloche sonne l'alarme, manants et bourgeois s'arment et bric et de broc et encerclent la tour où Gauvain se retrouve sans armes tandis que la demoiselle s'évanouit. Sans armes ? Pas tout à fait puisqu'il portait au côté Excalibur, la meilleure épée qui fût capable de trancher le fer comme si c'était du bois, et que la demoiselle revenue à elle, loin de se montrer hostile à Gauvain, s'empresse de lui procurer une armure. Mais en ce lieu point de bouclier. Aussi "en guise d'écu se saisit-il d'un échiquier. "Mon amie, lui dit-il, inutile d'aller me chercher un autre écu". Il renverse les pièces sur le sol et se saisit de l'échiquier. La demoiselle, quant à elle, se met à la fenêtre et reproche avec véhémence aux assaillants de manquer aux lois de l'hospitalité et de prendre des initiatives aux allures de révolte. L'arrivée du seigneur mettra fin à l'émeute et un accord sera conclu entre lui et Gauvain. Les prouesses échiquéennes des Chevaliers de la Table Ronde étaient chantées par les troubadours : Les chevaliers affrontaient aux Échecs des châtelaines aussi belles que cruelles dans des combats sans pitié. Celui qui perdait en devenait l'esclave, celui qui l'emportait la libérait de son enchantement et gagnait ses faveurs ou conquérait ses propriétés. C'est de cette période que date la première application du mat du berger, attribué au paladin français Gauvin. Les coups sont connus : 1. e4, e5 - 2. Fc4, d6 - 3. Dh5, Cf6 - 4. Df7 échec et mat ! Le fabuleux jeu d'échecs n'a pas fini de faire rêver sur ses origines lointaines et mystérieuses. |
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Le fabuleux jeu d'échecs n'a pas fini de faire rêver sur ses origines lointaines et mystérieuses.
On cite ainsi parfois encore parmi les éventuels inventeurs des échecs :
* Pyrrhus, roi d'Epire (295-272 avant J.C.)
* Attalos, roi de Pergame en Asie (de 241 à 197 avant J.C).
* Chilon, Lacédémonien, l'un des sept sages de la Grèce, cité par Sénèque.
* Diomède, Grec contemporain d'Alexandre le Grand.
Les pérégrinations du jeu d'échecs
Quand les échecs ont quitté l'Inde le jeu à quatre a disparu. Les Perses ne jouaient qu'à deux. Chaque joueur a maintenant une armée de 16 hommes, comme nous aujourd'hui, mais les mouvements des pièces étaient aussi restreints, même dans le cas du nouveau « conseiller » placé aux côtés du roi. (Ce sont peut-être les rois supprimés du jeu indien qui sont devenus les conseillers du jeu persan.) Le conseiller ne pouvait bouger que d'une case en diagonale, ce qui le rendait à peine plus puissant qu'un pion.
Le jeu persan pouvait se jouer avec ou sans dés. Ce n'est qu'au bout de quelques siècles que les dés ont disparu complètement.
Le jeu se propage jusqu’en Perse aux alentours de l’an 600 où il devient le chatrang. Lorsque les Arabes envahissent la Perse, ils l’adoptent sous le nom de shatranj. Les échecs connaissent alors un développement remarquable. C’est au cours des IXe et Xe siècles qu’apparaissent les premiers champions et les premiers traités. Les pièces sont stylisées en raison de l’interdiction de représenter des êtres animés.
On retrouve alors : le roi (Shâh, c'est lui qui donne son nom au jeu) se déplace d’un pas dans toutes les directions ; - le conseiller (Firzan ou Vizir) dont le mouvement est limité à une seule case en diagonale ; - l’éléphant (Al-fil) avec un déplacement correspondant à un saut de deux cases en diagonale ; - le cheval (Faras), identique au cavalier moderne ; - le (Roukh), semblable à la tour actuelle. - le soldat (Baidaq), l’équivalent du pion, mais dépourvu du double pas initial.
La diffusion des échecs vers l'ouest s'est accélérée au VIIe siècle alors que l'empire arabe en expansion avait conquis la Perse. Au cours des quatre siècles suivants, des Arabes sont devenus les meilleurs joueurs du monde. Nous connaissons toujours aujourd'hui les noms de ces champions, ainsi que pas mal de leurs écrits et des problèmes de fins de parties qu'ils ont imaginés.
Le jeu d'échecs s'est aussi aventuré vers l'est. À travers l'Asie, il a pris des formes très différentes de celles que les occidentaux pratiquent. Aux échecs chinois, le « xian qi », par exemple, les pièces ne se placent pas sur les cases, mais sur les intersections des lignes de la grille. Une rivière passe au milieu de l'échiquier qui est composé de 9 cases sur 10 ; chaque joueur possède une redoute où il peut se réfugier ; certaines pièces ne peuvent pas sortir de la redoute ; d'autres ne peuvent pas traverser la rivière, d'autres encore ressemblent aux nôtres, mais il n'y a pas de dame. Le but du jeu est toujours de faire échec et mat.
Les échecs japonais, le « shogi », est entré au Japon venant de Chine par la Corée. Le shogi se joue sur un échiquier de 9 cases sur 9. Les pièces sont disposées sur trois rangées au lieu des deux de notre jeu. Comme aux échecs chinois, il n'y a pas de dame. Les pièces les plus faciles à identifier (selon nos normes) sont les rois - mais chaque joueur en a trois. Malgré ces trois rois, le but du jeu est là aussi de faire échec et mat. La plus grande différence avec notre jeu occidental, c'est que les pièces capturées changent de côté !
L'arrivée du jeu d'échecs en Europe
Le jeu d'échecs est venu en Europe par plusieurs chemins. Les Arabes envahirent la péninsule ibérique, qui allait devenir un jour les royaumes de l'Espagne et du Portugal, ainsi que la Sicile au VIIIe siècle, et naturellement, ils apportèrent avec eux le jeu d'échecs. Les cités italiennes naissantes, le noyau de ce qui deviendrait un jour l'Italie, se taillaient des empires autour de la Méditerranée et les marchands de Venise et de Gênes découvrirent bientôt les échecs.
Sans doute, quelques Croisés apprirent à jouer tout au long de leur conquête de la Terre Sainte. Les échecs firent probablement leur entrée en Europe centrale par les Balkans et se répandirent en Russie au long des routes marchandes de l'Asie centrale. Les Vikings eux-mêmes apprirent à jouer et contribuèrent à son expansion dans les régions nordiques. Dès l'an 1000, les échecs étaient bien connus à travers toute l'Europe (bien qu'il n'existât pas de règles communes).
Dans le monde islamique, toutes les classes sociales jouaient aux échecs. En Europe, du moins au Moyen-âge, ce sont les nobles qui en avaient fait leur distraction favorite (d'où le nom de « jeu royal »). L'éducation des jeunes chevaliers comprenait les échecs aussi bien que la joute, le combat contre les dragons et le code de courtoisie. En Europe comme en Arabie, on encourageait les dames à jouer et les échecs étaient en effet souvent appelé un « passe-temps pour amoureux ». Dans le cycle de la Table ronde, Lancelot du Lac et Guenièvre jouaient aux échecs.
Bien que l'Église ait tenté à plusieurs reprises d'interdire les échecs, le jeu connut un grand succès au sein des ordres religieux, où il prenait souvent l'aspect d'une parabole de la vie réelle. Un certain théologien écrivait en 1300 : « Celui qui succombe à la tentation du péché sera toujours mis en échec par le diable et perdra son âme au mat s'il ne sait pas se protéger. »
Le jeu d'échecs moderne est né entre 1400 et 1600, ou du déclin du Moyen-âge à l'épanouissement de la Renaissance.
Les Européens firent don au roi d'une dame, avec tous les pouvoirs dont elle jouit de nos jours. Ils attribuèrent au fou la marche en diagonale et au pion le choix d'un coup d'une ou de deux cases. Ils ont aussi inventé le roque et le concept de « promotion » du pion en dame (ou autre pièce sauf le Roi bien sûr) pour le récompenser d'avoir réussi à traverser le champ de bataille. Tout à coup le jeu d'échecs est devenu considérablement plus rapide et les pièces ont eu plus de poigne !
Vers 1650, on peut considérer que les règles du jeu moderne sont à peu près établies. Si les premiers livres traitant des échecs remontent à l'époque arabe, la stabilisation des règles en Europe donne naissance à une littérature théorique très riche et on observe notamment l'élaboration des premiers systèmes d'ouverture.
VIIe-IXe siècle: Diffusion des échecs orientaux dans tout le monde islamique jusqu'en Espagne musulmane. Le jeu est introduit en Chine et au Japon par voies commerciales. | |
711 : Les musulmans s'emparent de Tolède. Les populations conquises, juives et chrétiennes, font connaissance avec le jeu d'échecs. | |
842 : Premier traité échiquéen arabe. | |
Autour de l'an 1000 : Introduction du jeu depuis la mer Noire vers la Scandinavie et la Russie. Diffusion du jeu dans l'Occident chrétien par l'Espagne et la Sicile. | |
1008 : Première mention du jeu d'échecs dans un texte occidental. | |
XIe siècle : L'Église condamne ce jeu "de hasard" car il se joue alors avec des dés. | |
XIIe -XIIIe siècle : Transformation des pièces. Le jeu de guerre devient un jeu de cour mis en scène dans les romans de chevalerie. Les échecs se popularisent et gagnent toutes les couches de la société occidentale. | |
Vers 1200 : Le pape Innocent III tente une première moralisation du jeu d'échecs. Les joueurs sont enjoints d'abandonner les dés. |
1212 : Le concile de Paris frappe les échecs d'anathème. | |
1254 : Saint Louis condamne le jeu d'échecs qui se joue encore avec des dés. | |
1275 : S'inspirant des compositions arabes antérieures, le Lombard Nicolas de Nicolaï compose en latin le premier traité occidental échiquéen diffusé sous le nom de Bonus Socius. |
1275 La religion catholique ne s’oppose plus à la pratique des échecs, jusque là considérés comme un jeu diabolique. Le vizir devenu «vierge» puis «reine», ainsi que les transfigurations respectives des éléphants et chariots en fous du roi (et de la reine) et tours, témoignent de la récupération du jeu par la société française médiévale. | |
Vers 1315 : Le Lombard Jacques de Cessoles compose en latin Le Livre des échecs moralisés. Les dés sont définitivement abandonnés. | |
Vers 1400 : Évrart de Conty compose Le Livre des échecs amoureux. | |
1485 La nouvelle règle accordant à la reine et au fou leur puissance actuelle marque le début des échecs modernes. Le jeu devient tellement rapide qu’on juge préférable d’annoncer «Échec au roi» et «Gardez la reine». |
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1561 Le moine espagnol Ruy Lopez publie son fameux Livre de l’invention libérale et de l’art du jeu des échecs. Il introduit deux modifications majeures propres à favoriser l’attaque et l’ouverture des lignes, soit la faculté pour le pion d’avancer d’abord de deux cases, ainsi que la règle controversée de la prise en passant. |
1640 Un coup original de roi, le roque, existait depuis quelque temps déjà sous de multiples formes. On s’entend enfin sur une seule manière de faire, tant sur l’aile de la reine que du côté roi. |
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1793 Les lendemains de la Révolution Française affichent une nette hostilité envers tout symbolisme rappelant la monarchie. Ainsi, la reine se mue en dame, tandis qu’on a sérieusement proposé de transformer les tours en «canons». |
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1861 Le match Kolisch-Anderssen inaugure le principe d’un temps-limite de réflexion et l’utilisation régulière de la pendule en compétition. Vers la même époque, on corrige une lacune des règlements, qui permettaient à un pion rendu à l’autre bout de l’échiquier de ne pas se transformer en pièce... autrement dit, de faire le mort. |
1925 Le champion du monde Jose Raoul Capablanca prédit la mort des échecs sous leur forme actuelle, et recommande la venue de deux nouvelles pièces hybrides sur un échiquier 10x8. Le «chancelier» hériterait des pouvoirs de la tour et du cavalier, tandis que l’«archevêque» s’approprierait la marche du fou et du cavalier. | |
1997 Le champion du monde Gari Kasparov mord la poussière devant l’ordinateur Deep Blue dans un match de six parties. Certains prétendent que le jeu d’échecs ne s’en relèvera pas... |
L’aspect physique des pièces le plus courant aujourd’hui, le style « Staunton », date de 1850. C’est également durant la seconde moitié du XIXe siècle qu’émergent les échecs modernes. Les premières compétitions internationales ont lieu, les progrès théoriques de l’art de la défense mettent un terme à l’ère romantique.
Au XXe siècle, l’URSS en assure une promotion très active, le considérant comme un excellent outil de formation intellectuelle. C’est, en outre, une vitrine de la formation intellectuelle soviétique qui leur permet de dominer largement une discipline prestigieuse.
Durant la guerre froide, l'émergence de Bobby Fischer, le premier Occidental à défier les Soviétiques au plus haut niveau, puis de Viktor Kortchnoï, dissident soviétique qui parvint deux fois en finale du championnat du monde, donnent à cette compétition une véritable dimension politique. Plus tard, les tensions entre conservateurs russes et partisans de la perestroïka se cristalliseront autour de l’affrontement entre Anatoli Karpov et Garry Kasparov.
À la fin du XXe siècle, la confusion concernant le titre de champion du monde amène l’attention médiatique à se concentrer sur l’opposition entre l’humain et la machine, comme en témoigne le retentissement médiatique des matchs entre Kasparov et Deep Blue. Les femmes font également leur apparition au plus haut niveau dans un domaine longtemps réservé de fait aux hommes.
Depuis janvier 2000, les échecs sont devenus, en France, un sport reconnu par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. De nombreuses compétitions sportives sont organisées dans le monde entier. Depuis le début de l'année 2008, l’entrée de ce sport aux Jeux olympiques est discutée.