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Historique

 

LES PLUS FORTS JOUEURS D'ÉCHECS 

De 1900 à nos jours

 

 Owen John  (1827–1901) : était un vicaire anglais et un joueur d'échecs amateur de très haut niveau.

Né à Marchington dans le comté de Staffordshire il était révérend de l'Église d'Angleterre et pasteur de Hooten (Cheshire) de 1862 à 1900, mais il est connu pour avoir été l'un des meilleurs joueur d'échecs anglais du xixe siècle.

Il gagna en 1857 un tournoi mineur de la British Chess Association de Manchester. En 1858 à Londres, il perdit un match face à Samuel Boden (+2 -7 = 2) et termina troisième à Birmingham derrière Löwenthal et Falkbeer. Il fit match nul en 1860 à Manchester avec Ignác Kolisch (+4 -4 = 0).

Il gagna une partie amicale contre Paul Morphy en 1858 ce qui amena un match entre les deux joueurs. Bien que bénéficiant d'un handicap (il avait un pion supplémentaire et avait toujours le trait initial), Owen perdit 6–1 sans gagner une partie.

Ses résultats au tournoi de Londres de 1862, le premier tournoi toutes rondes international (au cours duquel chaque participant rencontre tous les autres) furent impressionnants : il finit troisième, précédant le futur champion du monde Wilhelm Steinitz (qui devait terminer 6e de cette rencontre) et fut le seul joueur à gagner contre Adolf Anderssen qui allait remporter le tournoi.

John Owen a donné son nom à la Défense Owen, une ouverture qu'il jouait souvent (y compris à l'occasion de sa victoire sur Morphy) caractérisée par les coups : 1.e4 b6.

Son meilleur nombre de points Elo historique fut de 25831 avec lequel il fut 9e meilleur joueur du monde en juillet 1877.

 Janowski David Markelovitch (1868- 1927) :  est un joueur d'échecs français d'origine polonaise. Il était considéré au début du xxe siècle comme l'un des meilleurs attaquants et était connu pour jouer sans se soucier de gagner ou de perdre.

À la fin des années 1880, Janowski s'installe à Paris. Au Café de la Régence, il devient un joueur d'échecs redoutable.

En 1894, Janowski participe pour la première fois à un tournoi international. À Leipzig, au neuvième congrès de l'union allemande des échecs, en 1894, il occupa la 6e-7e place. Après cette date, il joua pour la France pendant 29 ans.

Parmi ses grands succès de cette époque, on note ses victoires

à Monte-Carlo en 1901, à Hanovre en 1902 (treizième congrès allemand, remporté devant Pillsbury) et à Barmen (aujourd'hui un quartier de Wuppertal) en 1905. Au tournoi d'Ostende de 1905, il termina second ex æquo derrière Géza Maróczy et reçut un prix de beauté pour sa partie contre Siegbert Tarrasch.

En 1909, il dispute un match à Paris contre Emanuel Lasker où le titre de champion du monde n'est pas en jeu. Comme celui-ci se termine par un match nul (2-2), Léo Nardus, un mécène des échecs, finance un deuxième match, à l'automne de la même année, mais Janowski le perd par le score sévère de +1 -7 =22. Malgré tout, Janowski n'est pas encore convaincu de la supériorité de Lasker et exige une revanche. Celle-ci est organisée en 1910 à Berlin en tant que championnat du monde et se termine par un désastre complet pour Janowski par +0 -8 =3. Le journaliste d'échecs Georg Marco a résumé le déroulement du match en ces mots : « Ou bien c'était Lasker qui gagnait, ou bien c'était Janowski qui perdait. »

De 1914 à 1925, Janwoski réside aux États-Unis. À partir de ce moment, sa force de jeu diminue en raison de ses problèmes de santé : il est atteint de tuberculose. Au tournoi de New York en 1924, il est dernier.

Il jouait sans se soucier de gagner ou de perdre. Ce trait de caractère se manifestait aussi en dehors des échecs. C'est ainsi qu'il perdit à la roulette en un rien de temps l'argent qu'il avait gagné lors d'un tournoi à Monte-Carlo.

 L'optimisme, parfois exagéré, était un de ses traits de caractère. Ainsi, il n'avait pas été convaincu par la supériorité d'Emanuel Lasker lors de leur deuxième match de 1909 pourtant largement perdu. Contre Frank James Marshall il disputa plusieurs matches et ne fut tellement pas non plus convaincu par la supériorité de l'Américain au point de le défier pour un autre match en lui donnant quatre victoires d'avance.

 Janowski était aussi fragile psychologiquement dans le jeu : il avait tendance à craquer devant une adversité tenace, ce qui explique en partie son jeu relativement faible en fins de partie à ce niveau. Janowski jouait tellement bien les débuts de partie qu'Emanuel Lasker a dit quelques années après leur match : « Qu'on me donne une partie de Janowski au dixième coup, et je me charge de la gagner. » Les Américains étaient tellement stupéfaits des prodiges que pouvaient faire les fous (pièces préférées de Janowski) qu'ils les ont surnommés The two Jan's ou Les deux Janowski.

 Tarrasch Siegbert (1862- 1934) était l'un des meilleurs joueurs d'échecs de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle.

Tarrasch, qui était juif, se convertit au luthéranisme en 1909. Cependant, bien qu'il fût un patriote allemand et qu'il perdît un fils durant la Première Guerre mondiale, il eut à souffrir de l'antisémitisme des nazis.

Tarrasch termine ses études secondaires entreprises au St. Elisabeth-Gymnasium de Breslau en 1880, puis il étudie la médecine et exerce en tant que médecin. Il remporte son premier tournoi d'échecs en 1883 à Nuremberg. Il remporte par la suite quatre grands tournois les uns après les autres : les congrès allemands de Breslau en 1889, Dresde en 1892 et Leipzig en 1894, ainsi que le congrès britannique de Manchester en 1890. Au début des années 1890, il devient l'un des meilleurs joueurs mondiaux.

En 1893, Tarrasch fait match nul contre son challenger Mikhail Tchigorine dans une rencontre difficile

En 1893, Tarrasch ne peut profiter d'une proposition de jouer pour le titre mondial contre un Wilhelm Steinitz vieillissant, en raison des exigences de sa pratique médicale. De 1895 à 1898, il remporte trois victoires contre Steinitz lors des tournois internationaux, mais manque sa chance de disputer un championnat du monde. Un an plus tard, en 1894, une fois Emanuel Lasker devenu champion du monde d'échecs, Tarrasch ne peut l'affronter pour diverses raisons[pas clair].

En 1895, Tarrasch termine quatrième du tournoi d'Hastings, remporté par Pillsbury. L'année suivante, il ne participe pas au tournoi de Saint-Pétersbourg 1896, qui réunissait les meilleurs joueurs du monde : Lasker, Pillsbury, Steinitz et Tchigorine. En 1898, Tarrasch remporte le tournoi de Vienne après un match de départage contre Pillsbury. En 1903, il gagne à Monte-Carlo et en 1907 à Ostende. Cependant, le champion du monde Emanuel Lasker était absent de ces tournois. Le maitre américain Fred Reinfeld écrit : « Par la suite, Tarrasch a toujours joué les seconds violons ».

En 1908, lorsque Emanuel Lasker accepte enfin de mettre en jeu son titre de champion du monde, il vainc nettement Tarrasch avec 5 points d'avance (+8 -3 =5). Néanmoins, Tarrasch restera très fort sous le règne de Lasker, battant Frank James Marshall lors d'un match en 1905 (+8 -1 =8), et devenant l'un des cinq finalistes du très fort tournoi de Saint-Pétersbourg 1914. Ce fut probablement son chant du cygne, car sa carrière échiquéenne ne fut plus très brillante après cela, bien qu'il ait continué à jouer des parties très appréciées.

 Lasker Emanuel (1868- 1941) : est un joueur d'échecs et un mathématicien allemand. Champion du monde d'échecs, il est vu comme un joueur qui préfère affronter psychologiquement l'adversaire. Depuis la création officielle du titre de champion du monde, en 1886, il est celui qui l'a conservé le plus longtemps, de 1894 à 1921, soit 27 ans.

Années de formation

Emanuel Lasker naquit en 1868 à Berlinchen. À l'age de 11 ans, il vint à Berlin où il étudia les mathématiques avec son frère aîné Bertold Lasker (huit ans plus vieux). Son frère lui apprit à jouer aux échecs.

Après quelques succès en Allemagne en 1889, Lasker partit en Angleterre en 1890 et y remporta de nombreux matches, notamment contre Bird, Mieses et Blackburne. En 1894, il lança un défi au maître Siegbert Tarrasch qui venait de remporter plusieurs très forts tournois, mais Tarrasch refusa de l'affronter en match, qualifiant ses succès de « victoires à la douzaine ».

Travaux mathématiques (1895 à 1905)

Joueur professionnel d'échecs, Emanuel Lasker était docteur en mathématiques et fit des études en philosophie.

En 1895, Lasker avait publié deux articles de mathématiques en algèbre commutative où il étudiait la décomposition primaire des idéaux d'un anneau. Sur les conseils de David Hilbert, il reprit ses travaux et soutint sa thèse le 31 janvier 1900 à Erlangen1. En 1905, il publia un article important qui fut développé par Emmy Noether.

Essais philosophiques (1906 à 1940)

En 1906, 1913 et 1918, Lasker publia un article et des livres où il exposait ses idées en philosophie. Il publia en 1940 un livre de sociologie : La Communauté du futur où il exprimait ses idées de réforme2.

Emanuel Lasker était un ami d'Albert Einstein3,4 qui regrettait qu'un aussi grand esprit se soit abandonné aux échecs. Lasker et Einstein eurent des discussions sur la théorie de la relativité. Einstein écrivit l'introduction de la biographie de Lasker The Life of a Chess Master par Jacques Hannak (1952).

Champion du monde du jeu d'échecs (1894 à 1921)

Qu'importe pour Lasker, il partit en Amérique où résidait Wilhelm Steinitz. Il mit fin au règne du premier champion du monde avec le score 12–7 (+10 -5 =4).

La première sortie de Lasker en tant que champion du monde fut décevante : en 1895, il termina troisième du tournoi d'Hastings derrière Tchigorine et le surprenant vainqueur Pillsbury.

En 1895-1896, Lasker prit le dessus sur ses principaux adversaires en gagnant le tournoi de Saint-Pétersbourg devant Steinitz, Pillsbury et Tchigorine (Tarrasch n'avait pu participer au tournoi). Dans ce tournoi, les joueurs affrontaient six fois chacun de leurs adversaires. Lasker remporta ensuite le tournoi de Nuremberg en 1896.

En 1896-1897, Lasker gagna la revanche du championnat du monde contre Wilhelm Steinitz, disputée à Moscou, sur un score encore plus sévère que le premier match : 12,5–4,5 (+10 –2 =5).

Après une victoire au tournoi de Londres en 1899 où il s'imposa avec 4,5 points d'avance, Lasker remporta aisément le tournoi organisé à Paris pour l'exposition universelle de 1900.

Les apparitions de Lasker dans les tournois étaient rares car ses prétentions financières étaient élevées : Lasker voulait s'assurer de quoi vivre. C'est pourquoi il ne revint dans les tournois qu'en 1904. Il fut devancé au tournoi de Cambridge Springs par Frank James Marshall et perdit deux parties. En 1907, il accepta le défi du joueur américain pour un championnat du monde, le premier depuis 10 ans. Lasker s'imposa sans difficulté (+8 -0 =7). En 1908, le match tant attendu avec Tarrasch eut lieu : Lasker l'emporta aisément (+8 -3 =5) et affirma sa suprématie dans son pays.

L'année 1909 fut active pour Lasker : il dut s'employer pour remporter le tournoi de Saint-Pétersbourg, à égalité avec Akiba Rubinstein contre qui il s'inclina. Puis deux matches contre David Janowski : l'un s'achèva par la nulle (+2 -2), l'autre par une nette victoire (+7 -1 =2) qu'on qualifia à tort de championnat du monde.

En 1910, Lasker remit une nouvelle fois son titre en jeu, contre l'Autrichien Carl Schlechter. Il fut pourtant bien près de le perdre contre un joueur réputé pacifique : dans un match en 10 parties, Schlechter devait s'imposer avec 2 points d'écart (il n'y a cependant aucune preuve formelle de cette règle). Il remporta la 5e partie et toutes les autres étaient nulles avant la 10e. Lasker se trouva en difficulté mais lui tendit un piège et Schlechter trébucha. Lasker devint le premier champion du monde à conserver son titre par match nul (+1 -1 =8). Il proposa cependant de continuer le match mais Schlechter déclina l'offre. La même année, Lasker retrouva David Janowski qui fit encore moins le poids que l'année précédente : 8 victoires et 3 nulles pour le champion du monde.

La sortie suivante de Lasker fut à Saint-Pétersbourg en mai 1914. Son adversaire le plus redoutable fut José Raúl Capablanca, dont les succès et le style impressionnaient le monde des échecs par sa simplicité. Le Cubain prit l'avantage au début du tournoi mais dans la deuxième partie finale, Lasker revint très fort et le battit pour finalement le devancer. La Première Guerre mondiale éclata quelques semaines plus tard.

En 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale, Lasker remporta le tournoi à quatre de Berlin devant Rubinstein, Schlechter et Tarrasch.

Fin de carrière (1921 à 1940)

Après la grande guerre, Capablanca lança un défi à Lasker. Son pays vaincu, il voulut abandonner son titre sans jouer, mais la bourse proposée à La Havane le convainquit de disputer ce match. Fatigué par le climat cubain, déprimé par la supériorité de Capablanca, Lasker abandonna le match après 14 parties (+0 –4 =10).

Après sa défaite contre Capablanca en 1921, Lasker continua à jouer. En 1923, il remporta le tournoi de Mährisch-Ostrau, et en 1924, il remporta encore le prestigieux Tournoi d'échecs de New York 1924 devant Capablanca et Alexandre Alekhine. L'année suivante, il finit deuxième au tournoi de Moscou 1925 derrière Efim Bogoljubov mais devant une fois encore Capablanca. Il s'ensuivit neuf années sans jouer : il ne fut pas invité au tournoi d'échecs de New York 1927.

Retour aux échecs (1933 - 1934)

L'accession d'Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne poussa Lasker à l'exil, lui qui était juif. En juillet 1934, à 65 ans, il accepta l'invitation pour disputer le tournoi anniversaire du club de Zurich avec la participation du champion du monde Alekhine, de Max Euwe, Salo Flohr, Efim Bogoljubov, Aaron Nimzowitsch et Stahlberg. Lasker termina cinquième avec 10 points sur 15 (neuf victoires, trois défaites et deux nulles).

Installation à Moscou (1935 - 1937)

La ferme que possédait Lasker à Thyrow en Allemagne fut confisquée par les nazis ainsi que l'argent sur son compte bancaire. En 1935, il accepta l'invitation de disputer le tournoi de Moscou en février-mars 1935. À la fin du tournoi, où il finit troisième (devant Capablanca), il décida de rester à Moscou. L'année suivante, il disputa le tournoi de Moscou organisé en mai-juin 1936 qui opposa cinq soviétiques (Botvinnik, Ragozine, Kan, Levenfish et Rioumine) à cinq maîtres étrangers (Capablanca, Lasker, Flohr, Lilienthal et Eliskases) ; Lasker termina sixième.

Son dernier tournoi eut lieu à Nottingham en août 1936 : il termina septième à l'âge de 67 ans. À la fin du tournoi, Lasker retourna à Moscou.

Exil aux États-Unis (1938 - 1940)

Lasker, qui se considérait désormais comme citoyen de l'Union soviétique, quitta Moscou en octobre 1937 pour un voyage aux États-Unis, mais il ne revint pas. Il passa par les Pays-Bas et quitta l'Europe pour s'installer à Chicago puis à New York. En décembre 1940, il fut victime d'un malaise pendant un cours ; il mourut le 11 janvier 1941.

Style de jeu

Doté d'un style éclectique, il savait s'adapter au style de jeu de son partenaire pour le battre, même s'il fallait prendre le risque de perdre la partie. Comme José Raúl Capablanca, qui l'a dépossédé du titre de Champion du monde, il était un très fort joueur de finales. Cela l'a amené à tenir grand compte de la structure de pions dans l'ouverture. On peut notamment le créditer d'un rôle de pionnier dans l'étude de la variante Svechnikov, anciennement dénommée variante Lasker-Pelikan.

Il arriva à Lasker, durant sa carrière, d'abandonner pendant quelque temps les échecs. Pour Lasker, jouer aux échecs était un métier comme un autre. Si la récompense pour l'effort fourni en valait la peine, il était prêt à jouer, sinon il vaquait à autre chose. Il fut ainsi membre de l'équipe d'Allemagne de bridge au championnat du monde et fut maître du jeu de go7, tout comme il termina son doctorat en mathématiques pendant son règne sur les échecs. Il inventa un jeu baptisé le Lasca  qui se disputait sur un quadrillage et où chacun des adversaires occupait un quart de la surface avec une pièce nommée la « Tête » et plusieurs pièces appelées « Esclaves ».

Capablanca y Graupera José Raúl   (1888 - 1942) :  est un joueur d'échecs cubain. Il a été champion du monde d’échecs de 1921 à 1927.

Jeunesse

Fils d'un fonctionnaire colonial, Capablanca fut un enfant prodige qui découvrit le jeu d'échecs à quatre ans. La légende dit qu'il assimila les règles à l'âge de quatre ans en observant son père jouer avec des amis. Dès ses jeunes années, sa force au jeu est remarquable.

À l'âge de treize ans, en novembre—décembre 1901, il remporte un match contre le champion de Cuba Juan Corzo y Príncipe par +4 -3 =6.

Par la suite, il étudie pendant deux ans la chimie et le sport à l'université Columbia à New York. Il joue dans l'équipe universitaire de baseball au poste de shortstop.

En 1909, il gagne nettement contre Frank Marshall par +8 -1 =14. Il fait irruption sur le plan international au tournoi de Saint-Sébastien en Espagne en 1911, où il gagne devant des maîtres connus, comme Akiba Rubinstein, Milan Vidmar et Carl Schlechter.

En 1913, il fut nommé dans les services diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de Cuba. Il n'avait pas d'obligations réelles, les autorités cubaines trouvant suffisante la publicité qu'il faisait pour son pays et pouvait donc de facto se consacrer pleinement aux échecs. En 1914, il finit deuxième du fort tournoi de Saint-Pétersbourg à un demi-point du champion du monde Emanuel Lasker.

Champion du monde (1921-1927)

En 1921, Capablanca gagna le championnat du monde contre Emanuel Lasker (+4 -0 =10). Pendant six ans, il ne perdit que 4 parties sur environ 200 mais il ne mit pas son titre en jeu. En 1922, le nouveau champion du monde remporta le tournoi de Londres, mais Lasker était absent. En 1924, Capablanca fut devancé par l'ancien champion du monde lors du tournoi de New York ; puis, en 1925, par Efim Bogoljubov et par Lasker lors du tournoi de Moscou. En 1927, il termina premier du tournoi de New York où Emanuel Lasker n'était pas invité.

Match contre Alexandre Alekhine (1927)

Capablanca perdit son titre en 1927 à Buenos Aires contre Alexandre Alekhine (+3 –6 =25). Le match dura trente quatre parties, un record, car les parties nulles ne comptait pas et la victoire revenait au premier joueur à remporter six parties. Contrairement à ce qu'il avait déclaré, au cours des années suivantes Alekhine évita d'accorder à Capablanca une revanche, ne lui donnant ainsi aucune occasion de regagner son titre. Les deux joueurs ne s'adressèrent plus la parole.

Fin de carrière (1928-1942)

De 1928 à 1930, Capablanca remporta les tournois de Budapest 1928, Berlin 1928, Ramsgate 1929, Budapest 1929, Barcelone 1929 et Hastings 1929-1930 ; il finit deuxième aux tournois de Bad Kissingen 1928, Carlsbad 1929 et Hastings 1930-1931. Cependant, il n'eut pas la possibilité d'affronter le champion du monde Alekhine qui ne participa à aucun de ces tournois.

Dans les années 1930, surgirent en face de Capablanca des rivaux plus jeunes et redoutables : d'abord Max Euwe, Salo Flohr et Mikhaïl Botvinnik, qui le devancèrent à Hastings en 1934-1935, Moscou en 1935 et à Margate en 1936, puis Paul Keres, Reuben Fine et Samuel Reshevsky qui le devancèrent à Margate en 1935, à Semmering-Baden en 1937 et au tournoi AVRO de 1938.

Capablanca n'en fit pas moins un retour remarqué dans l'élite mondiale en 1936, gagnant deux tournois fort disputés : à Moscou (seul vainqueur devant Botvinnik) et à Nottingham (ex æquo avec Botvinnik, devant Euwe, Fine, Reshevsky, Alekhine, Flohr et Lasker). En 1938, il réalisa un des plus mauvais tournois de sa carrière : le tournoi AVRO remporté par Fine et Kéres, où il finit avant-dernier.

Capablanca était marié à doña Gloria Simoni Betancourt. En 1937, ils divorèrcent et le 20 octobre 1938, Capablanca épousa à New York Olga Clark (née le 23 septembre 1898 en Géorgie).

Après avoir remporté la médaille d'or individuelle à l'olympiade d'échecs de 1939 à Buenos Aires, devant Alekhine, Capablanca se retira de la scène internationale en 1939 sur les conseils de ses médecins. Il souffrait d'hypertension artérielle. Il eut une attaque le 7 mars 1942 et mourut le 8 au matin au Mount Sinai Hospital (New York).

Style

Capablanca est considéré comme l'un des meilleurs joueurs d'échecs de tous les temps. Son style de jeu positionnel et sa technique de fin de partie, en ont fait un joueur redouté, qui commettait très peu d'erreurs, ce qui faisait sa force. Son style est clair, limpide et simple. Il n'avait, disait-il, jamais ouvert de livres d'échecs, mais il possédait un sens inné des positions. Considéré comme une « machine à jouer », il a perdu très peu de parties tout au long de sa vie. Ses fins de parties étaient de véritables chefs-d'œuvre.

Au contraire du jeu de l'époque qui consistait en des sacrifices et des combinaisons complexes, il privilégiait une stratégie d'avancée lente et d'usure, attendant la faute de l'adversaire, rendue alors inévitable par le manque de bons coups à jouer, son opposant étant alors en zugzwang.

Il pensait que sans erreurs grossières une partie ne pouvait être perdue. Devant l'augmentation du nombre de bons joueurs, le nombre de parties nulles allait augmenter à cause de l'impossibilité de se départager. Ne trouvant plus d'attraits au jeu, Capablanca prédisait la fin proche du jeu d'échecs. Il a alors proposé d'en changer les règles pour le rendre plus compliqué (les échecs Capablanca). Il souhaitait intervertir les fous et les cavaliers dans leur position initiale et augmenter le nombre de cases de l'échiquier (8×10) en rajoutant deux nouvelles pièces dans chaque camp, l'une combinant la marche de la tour et du cavalier, l'impératrice, et l'autre celle du fou et du cavalier, la princesse.

Alekhine Alexandre Aleksandrovitch (1892 – 1946) : est un joueur d'échecs russe naturalisé français en 1927.

Quatrième champion du monde des échecs de 1927 à 1935 et de 1937 à sa mort, il fut le premier champion du monde d'échecs à reconquérir son titre et le seul à mourir en portant son titre. Il a donné son nom à une ouverture, la défense Alekhine, qu'il employa à Budapest en 1921.

Jeunesse

Alexandre Alekhine est né le 31 octobre (19 octobre) 1892 à Moscou dans une famille aisée de l'Empire russe : son père était propriétaire terrien et sera député à la Douma d'État de l'Empire russe. Alexandre a un frère aîné Alexeï, contre lequel il joua des parties, et une sœur, Varvara. Il apprend à jouer aux échecs à sept ans. Alekhine fait ensuite de brillantes études et apprend le français et l'allemand au lycée.

Après quelques tournois par correspondance, il dispute son premier tournoi important à Düsseldorf en 1908 et termine quatrième. En 1909, il entre dans l'école de Droit pour la noblesse de Saint-Pétersbourg, où les élèves internes portent l'uniforme militaire. Il obtient ses premiers succès au championnat de Russie amateur disputé à Saint-Pétersbourg en 1909, puis aux tournois internationaux de Stockholm en 1912 et de Scheveningue en 1913. En 1914, il remporte le championnat de Russie, ex æquo avec Aaron Nimzowitsch, et la même année, termine troisième du très fort tournoi international de Saint-Pétersbourg remporté par le champion du monde Emanuel Lasker devant son futur successeur José Raúl Capablanca.

Il participe au tournoi de Manheim lorsque la Première Guerre mondiale éclate et interrompt le tournoi. Alekhine est arrêté par les autorités allemandes. Il parvient cependant à rentrer en Russie, est blessé deux fois à la guerre et est ensuite plusieurs fois médaillé comme collaborateur de la Croix-Rouge.

Ascension vers les sommets

Après la guerre et la Révolution russe, Alekhine remporte le championnat de Moscou et le premier championnat de la RSFSR en 1919-1920. Arrêté une première fois par la Tcheka, il échappe chanceusement au peloton d'exécution. Selon la légende, en prison, il aurait joué une partie contre Léon Trotsky lui-même, qui était un très bon joueur.

Alekhine quitte la Russie soviétique pour l'Ukraine, mais revient à Moscou, où il obtient un poste de traducteur. Le 21 février 1921, il est arrêté une seconde fois par la Tcheka, mais il réussit à persuader la police qu'il est innocent des charges qu'on lui reproche3. En mai 1921, à l'occasion de son mariage, il obtient l'autorisation d'un voyage en Lettonie, il quitte définitivement la Russie d'abord pour Berlin, puis pour la France, où il arrive en janvier 1922. En 1921, il remporte les trois tournois auxquels il participe. Par la suite, Alekhine refusera toujours de revenir en Union soviétique.

En 1924, Alekhine termine troisième du tournoi de New York, derrière les champions du monde Emanuel Lasker et Capablanca.

Le premier février 1925, à Paris, où il habite désormais4, Alekhine dispute une partie simultanée sur 28 échiquiers à l'aveugle avec un score de (+22 -3 =3). Le lendemain, il reconstitue précisément, de mémoire, les vingt-huit parties disputées5. L'année précédente, Alekhine avait déjà disputé une autre séance record à l'aveugle, sur 26 échiquiers, à l'issue du tournoi de New York 1924. Son record fut porté à 32 parties lors d'une simultanée à l'aveugle disputée à Chicago en 1933.

En 1927, Alekhine termine deuxième du tournoi de New York derrière le nouveau champion du monde Capablanca — Lasker ayant refusé de participer au tournoi. Avec ce résultat, Alekhine devient le challenger naturel du champion du monde qu'il rencontre à Buenos Aires en 1927.

Naturalisation

Alekhine a demandé pour la première fois son admission à résidence en France et sa naturalisation le 3 novembre 1924, mais le dossier a été classé sans suite en raison de ses multiples voyages à l'étranger pour participer à des compétitions internationales d'échecs, et parce qu'il avait été signalé en avril 1922 comme un « bolcheviste chargé par les Soviets d'une mission spéciale en France ».

La Fédération française des échecs intervient en avril 1927 auprès du ministère de la Justice pour qu'Alekhine puisse participer à la tête de l'équipe française au premier « Tournoi des Nations » qui doit avoir lieu en juillet 1927 à Londres. Mais la nouvelle loi sur la naturalisation, facilitant l'acquisition de la nationalité française en raison de la baisse de population consécutive à la Première guerre mondiale, n'est publiée que le 10 août 1927. Le décret de naturalisation d'Alekhine (et de plusieurs centaines d'autres postulants) est signé le 5 novembre et publié au Journal officiel du 14-15 novembre 1927.

Championnats du monde

Alekhine devint champion du monde en 1927 en battant à Buenos Aires le tenant du titre, le Cubain José Raúl Capablanca sur le score de 18,5 à 15,5 (+6, -3, =25), au terme d'un match marathon de plus de 2 mois et 34 parties. En dépit de multiples négociations, le match revanche promis au Cubain ne fut jamais organisé. À l'époque, c'était encore les champions qui choisissaient les challengers.

Matchs contre Bogoljubov (1929 et 1934)

Alekhine domina le monde des échecs pendant toute la période entre 1929 et 1933 : il réalisa l'exploit de se classer premier sans interruption dans les 15 tournois auxquels il participa, cette série étant arrêtée par une deuxième place au tournoi d'Hastings, derrière Salo Flohr. Au lieu de défier Capablanca comme il l'avait pourtant promis, il choisit comme challenger son ancien compatriote Bogoljubov, moins redoutable. Alekhine conserva facilement son titre face à Efim Bogoljubov en 1929 (15,5 à 9,5 ; +11, -5, =9), puis en 1934 (15,5 à 10,5 ; +8, -3, =15).

Matchs contre Max Euwe (1935 et 1937)

À la surprise générale, Alekhine perdit son titre en 1935 face au Néerlandais Max Euwe (14,5 à 15,5 ; +8, -9, =13). Alekhine souffrait d'alcoolisme et ne parvenait pas à contrôler sa dépendance. À la suite de sa défaite, il arrêta de boire et reprit le titre de champion du monde deux ans plus tard, en 1937, lors du match revanche (15,5 à 9,5 ; +10, -4, =11).

En 1938, le tournoi AVRO fut organisé pour départager les candidats éventuels à un match de championnat du monde contre Alekhine qui conserva néanmoins la possibilité de désigner son challenger. Le tournoi fut remporté par l'Estonien Paul Keres et l'Américain Reuben Fine, mais Alekhine entreprit des négociations avec le troisième du tournoi Mikhaïl Botvinnik. Les pourparlers furent interrompus par la Seconde Guerre mondiale.

Activités pendant la Seconde Guerre mondiale (1939 à 1943)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le titre de champion du monde ne fut pas remis en jeu.

En septembre 1939, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, Alekhine participait à l'Olympiade de Buenos Aires. En janvier 1940, il arriva à Lisbonne, et demanda à être mobilisé comme interprète dans l'armée française. Il rentra en France en février. Après l'Armistice, démobilisé, il transmit à Capablanca en juillet 1940 sa proposition de disputer un match. La communication se fit par l'intermédiaire du consulat de Cuba à Marseille et les négociations se poursuivirent jusqu'en 1941 et l'entrée en guerre des États-Unis.

À la fin de mars 1941, Alekhine fut autorisé à se rendre en Espagne. Il avait l'espoir de partir au Brésil ou à New York. Son épouse, Grace Alekhine , était restée dans leur château près de Dieppe pour sauver les biens du champion. Pour délivrer un visa à Alekhine et protéger sa femme, née américaine et naturalisée britannique, les autorités allemandes auraient alors demandé à Alekhine de rédiger plusieurs articles sur les échecs pour le quotidien allemand Pariser Zeitung qui parurent sous son nom en mars 1941.

Quand Alekhine arriva à Lisbonne en avril 1941, il apprit que son projet de match avec Capablanca avait échoué ; il fut malade et se remit à boire7. À ce moment, les articles d'Alekhine étaient repris avec d'importantes variantes8 dans la Deutsche Schachzeitung et dans d'autres journaux nazis comme Deutsche Zeitung in der Niederlanden, d'avril à juillet 1941, sous le titre « Échecs juifs et aryens », sous-titré « Une étude psychologique, fondée sur l'expérience échiquéenne, montrant le manque de force de conception et de courage des juifs, par le champion du monde des échecs, le Dr Alekhine. ». Ils provoquèrent l'indignation dans le monde. Euwe refusa de participer dans les tournois auxquels participait aussi Alekhine.

À la fin de la guerre, Alekhine fut accusé d'avoir collaboré avec les Nazis pour protéger sa femme et sauver ses biens en France, notamment son château à Saint-Aubin-le-Cauf. Après la libération de la France (en 1944), Alekhine affirma à plusieurs reprises que « pas une ligne » n'était de sa main et que ses articles avaient été manipulés. Cependant, lors d'entretiens accordés pendant son séjour en Espagne en 1941, il aurait ajouté qu'il avait été « le premier à traiter des échecs d'un point de vue racial ». Dans ces articles, il écrivait que les « échecs aryens » étaient « des échecs agressifs » et considérait la défense comme la conséquence d'une erreur antérieure, et le fait que l'on pouvait gagner avec la « défense pure » un « concept sémitique ».

En septembre 1941, Alekhine quitta le Portugal pour disputer le deuxième tournoi Europa à Munich. De 1941 à 1943, il multiplia les tournois en Europe occupée : à Cracovie, Lublin et Varsovie (en 1941 et 1942), à Munich (1941 et 1942), à Salzbourg (en 1942 et 1943), à Prague (en 1942 et 1943) ainsi que des conférences et des exhibitions en Allemagne, Autriche Pologne, Espagne et au Portugal. De 1941 à 1944, il disputa dix tournois à cadence lente et il termina six fois seul premier, trois fois premier ex æquo et il ne concéda qu'une deuxième place ex æquo lors du tournoi de Munich de septembre 1941 remporté par Gösta Stoltz. En 1942, il remporta le championnat européen organisé par les Allemands à Munich. Quelques jours après la fin du tournoi de Prague, en décembre 1942, Alekhine donna quelques parties simultanées, puis tomba malade et fut hospitalisé pendant un mois ; les médecins diagnostiquèrent la scarlatine. En avril 1943, Alekhine remporta le tournoi de Prague avec le score de 17 / 19 (+15 =4) et 2,5 points d'avance sur Keres. Il proposa alors de disputer un match contre Keres qui déclina l'offre. En juin 1943, il gagna le tournoi de Salzbourg, ex æquo avec Keres et devant Bogolioubov.

Dernières années (1944 à 1946)

À la fin de 1943, les bombardements des Alliés ne permettaient plus d'organiser des tournois dans l'Europe occupée par les Allemands ; Keres déclina une proposition de match. Invité par la fédération espagnole, Alekhine quitta l'Europe occupée en octobre 1943 et arriva à Madrid le 15 octobre 1943. Par la suite, il ne quitta plus l'Espagne et le Portugal, alors que sa femme restait en France. Arrivé trop tard pour disputer le tournoi de Madrid, auquel il avait été invité, Alekhine disputa néanmoins un tournoi éclair (5 minutes pour toute la partie) et finit cinquième des quatorze participants. Affaibli, il fut interné dans un sanatorium pour résoudre ses problèmes d'alcool.

En 1944 et 1945, Alekhine, toujours sans sa femme, poursuivit son activité en Espagne et au Portugal. Un médecin diagnostiqua une dépression nerveuse. En 1945, Alekhine reçut une invitation pour disputer le tournoi d'échecs d'Hastings de 1945-1946 ; cette invitation fut retirée suite à l'opposition des fédérations néerlandaise et américaine. Le 28 novembre 1945, il apprit que son invitation au tournoi de Londres 1946 avait été résiliée. Reuben Fine et Max Euwe auraient protesté contre son admission. Ils reprochaient à Alekhine ses articles au Pariser Zeitung et son silence. Alekhine répondit par une lettre contre ces accusations : il niait avoir écrit les articles et regrettait de ne pouvoir se défendre à Londres. Fin décembre, choqué par ces nouvelles, il disputa son dernier tournoi à Cáceres et il finit deuxième. Accompagné du vainqueur, Francisco Lupi, il partit à Estoril au Portugal où ils étaient invités par le casino pour disputer un match. Alekhine s'installa dans une pension. Le match eut lieu du 6 au 9 janvier 1946 et fut remporté par Alekhine deux victoires à un et une partie nulle. Le 9 mars 1946, le champion du monde fit sa dernière apparition en public lors d'une partie simultanée à Lisbonne.

Alekhine mourut le 24 mars 1946 dans sa pension à Estoril, au Portugal, dans des circonstances assez troubles et au moment même où un match contre Mikhail Botvinnik allait être organisé pour l'obtention du titre de champion du monde : début mars, Alekhine avait reçu la proposition de Botvinnik écrite en février 1946 et, la veille de sa mort, le 23 mars, la fédération anglaise avait donné son accord pour patronner le match.

Alekhine fut enterré au cimetière de Lisbonne le 16 avril 1946. En 1956, ses cendres furent transférées au cimetière du Montparnasse à Paris, dans la 8e division. Sur sa tombe, où son nom est gravé en caractères cyrilliques et romains, est représenté un échiquier. Un bas-relief représente Alekhine devant un jeu d'échecs. Il est inscrit : « Génie des échecs de Russie et de France, 1892-1946. Champion du monde des échecs de 1927 à 1935, et de 1937 à sa mort ».

Alekhine et son chat Echecs

Bogolioubov Efim Dmitrievitch (1889- 1952) :  est un joueur d'échecs russe, puis soviétique, naturalisé Allemand en 1927. En Union soviétique, il remporta deux fois le championnat d'URSS (en 1924 et 1925) et gagna tournoi de Moscou 1925 (devant Lasker et Capablanca), puis il s'installa définitivement en Allemagne en 1926.

En Allemagne, Bogoljubov remporta le tournoi de Bad Kissingen 1928 (devant Capablanca, Euwe et Nimzowitsch), puis il disputa deux matchs de championnat du monde contre Alexandre Alekhine : en 1929 et en 1934. Il gagna deux congrès de la fédération allemande (en 1925 et 1931) et deux championnats d'Allemagne (en 1933 et 1949). Il reçut en 1951 le titre de grand maître international un an avant de mourir.

En 1910, il finit deuxième du tournoi de Russie du sud à Odessa remporté par Boris Verlinski. En 1911, il fut troisième du championnat de Kiev (victoire de Bogatyrtchouk), puis il termina deuxième tournoi amateur pan-russe de Libava en 1912 remporté par Hronadka. En 1913, il gagna le tournoi de Lodz devant Salwe.

Lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il disputait le dix-neuvième congrès allemand à Manheim et fut interné comme dix autres joueurs russes (Bogatyrtchouk, Alekhine, Selesnief, ...). Pendant la Guerre, il disputa aux nombreux tournois organisés entre les joueurs internés à Baden-Baden, puis à Triberg.

En 1928, il remporta le championnat du monde d'échecs « amateur » organisé par la Fédération internationale des échecs en battant Max Euwe 3 à 2 avec cinq parties nulles. En 1928-1929, il battit à nouveau Euwe 5,5 à 4,5.

En juillet 1941, Bogoljubov affronta Euwe dans un match. Ce fut la seule compétition que Euwe accepta de disputer en dehors des Pays-Bas pendant la guerre. Euwe gagna le match 6,5 à 3,5.

Il a participé deux fois au Championnat du monde d'échecs, chaque fois contre Alexandre Alekhine. Il perd la première fois en 1929 par 15,5 à 9,5, et la seconde en 1934 par 15,5 à 10,5.

Bogoljubov participa à une seule olympiade, appelée alors le « Tournoi des nations » : l'olympiade de Prague en juillet 1931, comme premier échiquier de l'équipe d'Allemagne (il venait de remporter le 27e congrès allemand d'échecs à Swinemünde). L'équipe d'Allemagne finit cinquième et Bogoljubov réalisa le deuxième meilleur résultat du tournoi au premier échiquier avec 12,5/17 (le champion du monde Alexandre Alekhine marqua 13,5/18)2.

L'Allemagne n'envoya pas d'équipe à l'olympiade de 1933 (à Folkestone) ni à celle de 1935 (à Varsovie). En 1933, Bogoljubov fut nommé capitaine de l'équipe d'Allemagne. Il participa à la préparation de son équipe pour l'olympiade d'échecs officieuse de Munich en 1936, mais ne la disputa pas sur l'échiquier. L'Allemagne sans son meilleur joueur finit deuxième.

En 1939, Bogoljubov participa à nouveau à la préparation de l'équipe d'Allemagne qui remporta l'olympiade d'échecs de 1939 à Buenos Aires.

Lors du premier championnat de la République fédérale d'Allemagne en 1950, il finit deuxième-troisième après Unzicker.

L'ouverture de la défense Bogo-indienne (1.d4 Cf6 2.c4 e6 3.Cf3 Fb4+ en notation algébrique) doit son nom à Bogoljubov.

Euwe Max (1901- 1981) : est un joueur d'échecs et professeur de mathématiques néerlandais. Il fut champion du monde d'échecs de 1935 à 1937. Bien qu'il fût amateur, au contraire des autres champions, il a été le premier joueur d'échecs à utiliser un assistant pour préparer ses matchs.

Euwe a beaucoup travaillé au service des échecs et a été le président de la Fédération internationale des échecs (FIDE) de 1970 à 1978. Il a également publié de nombreux livres sur les échecs (la plupart coécrits avec un autre auteur) parmi lesquels d'innombrables manuels traduits dans de nombreuses langues, une Théorie des ouvertures ((nl) Theorie der schaakopeningen) en plusieurs volumes, connue dans le monde entier, sans compter une revue mensuelle sur les ouvertures ((nl)Losbladige Schaakberichten ; en français : Archives des échecs), fondée en 1949.

Débuts aux échecs (1901-1921)

Machgielis (appelé par ses amis Max) Euwe naquit en mai 1901 à Watergraafsmeer dans la banlieue d'Amsterdam. Euwe avait quatre ans quand sa mère lui apprit à jouer aux échecs. À dix ans, il remporta un tournoi le jour de Noël sans perdre une partie. À partir de 1918, il étudia les mathématiques à Amsterdam, interrompant brièvement ses études pour pouvoir consacrer plus de temps aux échecs. À partir de 1919, il fut l'un des meilleurs joueurs des Pays-Bas dont il remporta le championnat à vingt ans, en 1921.

Docteur en mathématiques

En novembre 1923, Euwe obtint son doctorat en mathématiques cum laude, et il devint professeur de mathématiques. Après avoir été stagiaire, il fut pendant deux ans professeur de mathématiques à Rotterdam dans une école supérieure, puis professeur de mathématiques dans un lycée pour jeunes filles à Amsterdam. En 1926, il prépara de nouveau auprès de Luitzen Egbertus Jan Brouwer, une thèse soutenue cum laude, intitulée Variantes différentielles de deux champs vectoriels covariants à quatre variables. En 1929, il publia une dissertation en allemand sur la théorie du jeu des échecs considéré dans une perspective intuitionniste. Le titre en était Mengentheoretische Betrachtungen über das Schachspiel.

En août 1926, Max Euwe épousa Carolina Elisabeth Bergman. De ce mariage sont nées trois filles dont Caroline Euwe, écrivain pour enfants.

L'ascension vers le championnat du monde d'échecs (1920-1934)

De 1921 à 1935, Euwe fut sans interruption champion d'échecs des Pays-Bas, et remporta ce titre douze fois dans toute sa carrière, et travailla beaucoup dans son pays au service du jeu d'échecs. En 1928, à La Haye, il gagna pour la première fois le championnat olympique monde amateur. En 1923-1924, puis en 1930-1931 et 1934-1935, il remporta le tournoi d'échecs international d'Hastings en devançant Capablanca en 1930-1931 et 1934-1935. En 1934-1935, il partagea la première place du tournoi d'Hastings avec Flohr et Thomas, mais devança Capablanca, Botvinnik et Lilienthal.

Euwe termina également deuxième des tournois de Berne 1932 et Zurich 1934, ex æquo avec Flohr et n'étant devancé que par le champion du monde Alekhine. Ces résultats firent de Max Euwe le challenger naturel de Alexandre Alekhine pour le championnat du monde d'échecs.

Champion du monde (1935 - 1937)

En 1935, Euwe disputa enfin le championnat du monde contre le tenant du titre, Alexandre Alekhine. Après sept parties, Alekhine menait 4 victoires à une et deux parties nulles. Euwe n'égalisa le score que brièvement lors de la treizième partie (6,5 à 6,5) et définitivement lors de la 21e partie (10,5 à 10,5). Il ne prit l'avantage que lors de la 25e partie (13 à 12). Après quatre-vingt jours et trente parties, il fut déclaré vainqueur le 15 décembre 1935, sur le score de 15,5 à 14,5 (+9 -8 =13). La partie la plus célèbre de cette rencontre est la 26e, connue sous le nom de Perle de Zandvoort qui lui donna une avance décisive de deux points (14 à 12).

Le titre mondial d'Euwe suscita un grand enthousiasme pour les échecs aux Pays-Bas, où beaucoup de clubs furent fondés en 1935.

Euwe perdit son titre en 1937 dans le match revanche contre Alekhine (9,5 à 15,5). Certains spécialistes, après analyse des parties, sont arrivés à la conclusion paradoxale qu'en 1935, il était en fait moins fort qu'Alekhine, et jouait mieux en 1937, mais d'autres analystes comme les anciens champions du monde Vasily Smyslov, Anatoli Karpov ou Garry Kasparov divergent sur ce point1. C'est la méforme d'Alekhine, alimentée entre autres par une consommation excessive d'alcool, qui lui aurait valu la défaite des mains d'Euwe en 1935.

Succès et revers après 1937

En 1938, Euwe fut 4e du très fort tournoi AVRO remporté par Reuben Fine et Paul Keres devant Mikhaïl Botvinnik. Après 1937, il continua à disputer de nombreux matchs : en 1939-1940, il perdit un match organisé aux Pays-Bas contre Keres (+5 –6 =3). Il battit Bogoljubov 6,5 à 3,5 en 1941 ; fit match nul (5 à 5) avec Vasja Pirc en 1949 et battit Bobby Fischer en 1957 (match exhibition remporté 1,5 à 0,5).

Après la guerre, Euwe remporta cinq tournois en 1946 (Londres, Leyde, Maastricht et Zaandam), et fut deuxième du très fort tournoi de Groningue en 1946 remporté par Mikhaïl Botvinnik. Il remporta quatre fois le tournoi des hauts-fourneaux de Beverwijk : en 1940, 1942, 1952 et 1958 (ex æquo avec Jan Hein Donner).

Euwe participa encore au championnat du monde d'échecs 1948 (dernier avec 4 points sur 20) mais il fut absent du tournoi des candidats de 1950 car il ne put se libérer de ses charges d'enseignement. Au Tournoi des candidats de Zurich 1953, il ne termina que 14e et avant-dernier mais remporta plusieurs parties remarquables. La base de données d'échecs Simbase comprend (en mars 2004) 1 697 parties jouées par Max Euwe : +694 -459 =544. Le pourcentage de victoires est de 56 %.

Professeur de faculté (1964)

Max Euwe ne négligeait pas sa condition physique et était boxeur amateur. Après 1950, il s'est consacré davantage aux mathématiques et à l'informatique qui était en train de naître. En 1964, il devint professeur de faculté extraordinaire en méthodologie du traitement automatique d'informations à l'Institut supérieur néerlandais d'Économie à Rotterdam et professeur à l'Institut supérieur catholique à Tilburg.

Président de la Fédération internationale des échecs (1970-1978)

Max Euwe fut président de la FIDE de 1970 jusqu'en 1978 et joua un rôle important lors de la réalisation du match Boris Spassky-Bobby Fischer pour le titre de champion du monde en 1972 à Reykjavik ainsi que les négociations avec Bobby Fischer pour le championnat du monde 1975.

Euwe mourut en 1981 à l'âge de 80 ans à Amsterdam.

Hommages posthumes

Le prix Euwe a été créé en l'honneur de Max Euwe. Il est décerné tous les cinq ans à un joueur d'échecs méritant. De 1987 à 1996, était organisé un tournoi de grands maîtres à la mémoire de Euwe, le mémorial Max Euwe.

En 2001 a paru un bloc de deux timbres à son effigie. En dehors des Pays-Bas, on a édité aussi des timbres à son effigie en Mongolie et en Yougoslavie.

En 1982, à Amsterdam, a été créé le Centre Max Euwe qui comprend une bibliothèque spécialisée, un musée et des salles de conférences. À Amsterdam, il a également donné son nom à la place Max Euwe  où, le 7 mai 2004, sa statue a été dévoilée, œuvre de l'artiste José Fijnaut, et due à l'initiative de l'association des entrepreneurs de la place Max Euwe.

 Tal Mikhaïl (1936-1992):  C'est un joueur d'échecs letton, devenu soviétique comme la Lettonie en 1944. Il a été le 8 ème champion du monde d'échecs en 1960, et champion du monde de blitz en 1988, six fois champion d'URSS (en 1957, 1958, 1967, 1972, 1974 et 1978).

Champion d'URSS à vingt ans, en 1957, Tal conserva son titre l'année suivante et se qualifia pour le tournoi interzonal de 1958 qu'il remporta ainsi que le tournoi des candidats l'année suivante (1959). Par sa victoire, Tal obtenait le droit d'affronter le champion du monde Mikhaïl Botvinnik. En 1960, il vainquit Botvinnik et devint à 23 ans le plus jeune champion du monde (son record de précocité ne fut battu qu'en 1985 avec l'avènement de Garry Kasparov à 22 ans). En 1961, Tal perdit son titre lors du match revanche contre Botvinnik. 

Surnommé « le magicien de Riga », Tal préférait nettement le jeu tactique, et ne reculait devant aucun sacrifice, même le plus risqué. Fumeur et buveur invétéré, il a disputé des compétitions jusqu'à la fin de sa vie, malgré de fréquentes maladies contractées dès 1959. Acharné, il lui arrivait de disputer des parties de blitz dans sa chambre d'hôpital1, il joua même des parties de compétition alité dans sa chambre d'hôtel.

Tal détient deux des plus longues séries d'invincibilité5 : entre le 15 juillet 1972 et le 26 avril 1973, il joua 86 parties dans diverses compétitions sans perdre : +47, –0, =39. Peu après, d'octobre 1973 à octobre 1974, il fut invaincu pendant 93 parties (+45 =48).

Mikhaïl Tal était un gros fumeur et buvait souvent.

En 1959, alors qu'il participait au championnat de Moscou de blitz, deux semaines avant le tournoi des candidats, il eut une attaque et perdit dix parties. Retourné à Riga, il fut transporté à la clinique et on lui enleva son appendice. Pendant près de deux années après l'opération, ses problèmes de rein cessèrent. Lors du championnat du monde à Moscou en 1960, Tal commença à fumer. À la fin du tournoi du nouvel an à Stockholm (1960-1961), quelques semaines avant le match revanche contre Botvinnik, Tal fut atteint de coliques néphrétiques et la fédération internationale envisagea de reporter le match de championnat du monde. En 1961, après le championnat d'URSS de Bakou, les coliques recommencèrent et il se fit opérer du rein mais les médecins ne diagnostiquèrent pas la bonne maladie. En 1962, lors du tournoi des candidats de Curaçao, il fut hospitalisé et dut abandonner le tournoi après 21 parties. En 1963, peu avant le match Botvinnik — Petrossian, un examen révéla qu'une opération était nécessaire ; elle réussit parfaitement. En 1964-1965, lors du championnat d'URSS, sur le conseil des médecins, il disputa des parties alité dans sa chambre d'hôtel.

En 1969, il décida de reporter son opération du rein pour participer au championnat d'URSS de novembre, tournoi zonal qualificatif pour le championnat du monde ; il termina seulement 14e-15e. Un mois après, les médecins lui retirèrent un rein et Tal remporta le tournoi de Tbilissi à la fin de l'année. En 1973, il fut à nouveau hospitalisé et réalisa des contre-performances au tournoi interzonal et au championnat d'URSS. Il mourut en juin 1992, à 55 ans, d'une insuffisance rénale.

Tal souffrait d'une malformation congénitale qui ne lui laissait que trois doigts à la main droite.

Un tournoi mémorial Tal est organisé chaque année à Moscou depuis 2006.          

                                         

 Fischer Robert James  dit Bobby Fischer (1943-2008) : est un joueur d'échecs américain, naturalisé islandais en 2005. Champion des États-Unis à quatorze ans en 1957-1958, il est devenu champion du monde en 1972 en remportant, sur fond de guerre froide, le « match du siècle » à Reykjavik contre le Soviétique Boris Spassky.

Garry Kasparov a déclaré en 2008 que « Fischer peut tout simplement être considéré comme le fondateur des échecs professionnels et sa domination, bien que de très courte durée, a fait de lui le plus grand joueur d'échecs de tous les temps ». Il a contribué de façon décisive, par ses revendications lors des tournois, à l'amélioration de la condition de joueur d'échecs professionnel, tant du point de vue financier que de l'organisation matérielle des tournois.

Après s'être retiré de toutes les compétitions en 1972, Fischer a disputé en 1992, à Sveti Stefan et à Belgrade, pendant les guerres de Yougoslavie, un match revanche contre son adversaire de 1972, Boris Spassky, en violation de l'embargo proclamé par le département d'État américain. Menacé de poursuites par son propre pays, il a terminé sa vie en exil ; d'abord en Hongrie, puis au Japon, de janvier 2000 à mars 2005, et enfin en Islande, de 2005 à 2008. Il y a multiplié les déclarations antisémites et anti-américaines.

Sa famille :

La mère de Bobby Fischer, Regina Wender (1913 - 1997), était une Américaine d'ascendance juive allemande. Née en Suisse, elle fut éduquée à Saint-Louis (Missouri). En 1932, à 19 ans, diplômée du College, elle partit à Berlin pour retrouver son frère qui y était stationné en tant que marin de l’US Navy et elle fut recrutée comme secrétaire par le généticien américain Hermann Joseph Muller. En 19333, elle fit la connaissance de Hans Gerhardt Leibschner qui avait changé son nom en Fischer pour avoir un nom à consonance moins juive. Gerhardt Fischer, né à Berlin en 1909, était un biophysicien allemand et un assistant du professeur Muller. Le professeur encouragea Regina à poursuivre ses études et à le suivre à Léningrad où il avait un poste et à Moscou. En 1933, Regina et Gerhardt quittèrent l'Allemagne nazie et partirent à Moscou où ils se marièrent en octobre de cette année (ou en 1938). Regina Fischer devint étudiante de l'Institut de médecine de Moscou de 1933 à 1938. En 1939, pour fuir l'antisémitisme qui se développait en URSS, Regina partit en France avec leur fille Joan née en 1938 puis elle alla aux États-Unis, mais sans son mari qui partit au Chili.

Lorsque Bobby Fischer naquit à Chicago en mars 19435, Gerhardt et Regina Fischer étaient séparés depuis 1939 et Regina Fischer demanda le divorce en 1945, deux ans après la naissance de leur fils, alors qu'elle habitait Moscow dans l'Idaho. Elle avait inscrit Gerhardt Fischer comme père de Robert James en dépit du fait qu'il n'avait jamais mis les pieds aux États-Unis. En 2002, une enquête menée par deux journalistes du Philadelphia Inquirer a montré que le père biologique de Fischer est plutôt le physicien juif hongrois Paul Nemenyi qui avait émigré aux États-Unis la même année que Regina Fischer en 1939. Quand le physicien participait au projet Manhattan en tant qu'ingénieur à Washington, le FBI soupçonna Nemenyi d'être communiste et Regina d'être une espionne russe. En effet, Regina avait étudié à l'Institut de médecine de Moscou, où elle avait passé cinq ans avant d'émigrer aux États-Unis après son mariage. Le FBI tint un dossier sur Regina. Elle avait fait la connaissance de Nemenyi au Colorado, en 1942, et, après la naissance de Bobby en mars 1943, le physicien lui envoya chaque mois une somme d'argent. Les versements continuèrent jusqu'à la mort de Nemenyi, en 1952. 

Bobby ne vit jamais Gerhardt Fischer puisque ses parents étaient séparés à sa naissance selon le dossier que tenait le FBI. Gerhardt ne pouvait venir aux États-Unis du fait de sa nationalité allemande. Il s'installa au Chili où il se fit appeler Gerardo Fischer. Il n'envoya aucune pension pour aider sa femme et sa fille. En juillet 1958, inquiet pour son fils et sa fille qui étaient à Moscou tandis que la situation internationale était tendue, il écrivit à son ancienne femme lui demandant ce qu'elle comptait faire tandis qu'il n'avait pas de nouvelles. En 1974, Gerardo, sa nouvelle femme et ses enfants furent brièvement emprisonnés en Amérique du Sud, du fait de leurs engagements politiques. Libérés, ils partirent en France et Gerhardt demanda l'aide financière de son ancienne femme. Contacté, Bobby Fischer refusa alors d'aborder le sujet de son père. En 1990, lorsque le champion américain revint en Europe et vécut plusieurs mois en Allemagne, son père vivait à Berlin mais Bobby Fischer ne le rencontra pas.

Son enfance (1943 à 1949)

Pendant, et après la Seconde Guerre mondiale, Regina vivait seule avec ses enfants. Elle changea souvent de résidence pour trouver un emploi et exerça plusieurs métiers, dont celui de soudeuse dans les chantiers navals de Portland. En 1948, Regina, qui avait trouvé un emploi d'institutrice, et ses deux enfants déménagèrent d'abord dans le sud de Los Angeles, puis à Phoenix et à Mobile dans l'Arizona, une ville isolée au milieu du désert. C'est la mère de Bobby qui s'occupait de son éducation et de celle de Joan, son aînée de six ans, ainsi que de sept autres enfants venus des ranchs alentour. Les Fischer s'installèrent un an plus tard à Brooklyn où Regina voulait terminer ses études de médecine à l'université de New York et obtenir un diplôme d'infirmière.

Ses débuts aux échecs (1949 à 1955)

 Un jour de 1949, Joan, pour distraire son petit frère, lui acheta un Monopoly, un jacquet et un jeu d'échecs au bazar du coin. Les deux enfants apprirent seuls les règles à l'aide du feuillet joint au jeu. Ce n'était au début qu'un jeu comme les autres pour Bobby. Néanmoins, la lecture d'un livre contenant des parties d'échecs pendant les vacances changea la donne. Regina, sa mère, a raconté que lorsqu'il lisait ce livre, il était inutile d'essayer de lui adresser la parole.

En novembre 1950, la mère de Bobby chercha des adversaires pour son fils et Hermann Helms l'invita à affronter Max Pavey  lors d'une séance de partie simultanée en janvier 1951. Bobby Fischer a raconté que sa défaite le motiva beaucoup. Par la suite Regina inscrivit Bobby au Brooklyn Chess Club où il vint tous les vendredis soir, multipliant les parties. Il participa à son premier championnat du club à l'âge de dix ans. Il termina cinquième en 1953 et troisième-cinquième ex æquo en 1954-1955. En mai 1955, il finit trente-deuxième au championnat amateur des États-Unis, puis, en juillet, lors du championnat junior des États-Unis 1955, il se classa 11e-21e ex æquo (vingtième au départage) avec la moitié des points. Le championnat réunissait les joueurs de moins de 21 ans et Fischer était le seul participant âgé de moins de 13 ans. À la différence de José Raúl Capablanca et Samuel Reshevsky, Fischer ne fut donc pas un enfant prodige. En revanche, ses progrès furent très rapides.

À l'été 1955, Bobby, n'ayant plus de rivaux dignes de ce nom dans le club de Brooklyn, s'inscrivit alors au Manhattan Chess Club qui était ouvert tous les soirs de la semaine (il en devint le plus jeune membre). Le club était fréquenté par les meilleurs joueurs du pays et organisait le championnat des États-Unis depuis les années 1930. À la fin de 1955, le nom de Bobby Fischer apparut dans un article du New York Times relatant les résultats du tournoi du Washington Square disputé en plein air. Le titre de l'article disait : « Eastman vainqueur à Washington Square, un garçon de douze ans près des premiers ». Fischer avait terminé quinzième (le tournoi avait 66 participants). Il reçut un prix comme plus jeune joueur du tournoi. En janvier 1956, il marqua 5 points sur 7 lors du championnat open du « grand New York » (Greater New York Open) et termina cinquième ex æquo (Fischer remporta le premier prix des joueurs de la classe B).

Du championnat des États-Unis au championnat du monde (1956 à 1972)

Champion des États-Unis à quatorze ans (1956-1957)

En 1956, Bobby Fischer fit la connaissance de son entraîneur John William (Jack) Collins. Pendant les vacances d'été, il devint, à sa deuxième tentative, le plus jeune vainqueur du championnat junior des États-Unis, ce qui constituait son premier réel succès (le tournoi avait lieu du 9 au 15 juillet 1956 à Philadelphie). Puis, du 16 au 28 juillet, il s'essaya au championnat open adulte des États-Unis à Oklahoma City et se classa quatrième, ex æquo avec trois autres joueurs, sans perdre une partie. Au mois d'octobre, il fut invité au plus fort tournoi américain de l'année 1956 : le troisième trophée Rosenwald (Lessing Rosenwald était le sponsor de la fédération américaine). Il termina huitième avec moins de la moitié des points de ce tournoi remporté par Samuel Reshevsky. Sa victoire spectaculaire contre Donald Byrne lors la huitième ronde fit le tour du monde (elle fut publiée par les revues soviétiques) et attira l'attention des journalistes sur Bobby Fischer. Lors des vacances de Thanksgiving, en novembre 1956, il termina deuxième ex æquo du championnat open des États de l'Est ( Eastern states open) à Washington, D.C. sans concéder la moindre défaite. 

L'année suivante, en mars 1957, Fischer affronta l'ancien champion du monde Max Euwe dans un match exhibition ; Fischer perdit 0,5 à 1,5 (une partie nulle29 et une défaite). En juillet, il conserva son titre de champion national junior en ne concédant qu'une partie nulle mais la fédération américaine décida d'envoyer William Lombardy au championnat du monde junior 1957 qui se tiendrait à Toronto. En août 1957, Fischer réussit à conquérir le championnat open des États-Unis à Cleveland sans perdre une partie, devançant grâce à un meilleur départage le champion des États-Unis Arthur Bisguier ; puis il finit ses vacances scolaires en devenant le champion de l'État du New Jersey (fin août-début septembre) en ne concédant qu'une seule partie nulle (marquant 6,5 points sur 7).

À la fin de l'année 1957, Fischer fut invité à participer au quatrième trophée Rosenwald organisé du 17 décembre au 8 janvier. Ce tournoi était également le championnat des États-Unis 1957-1958 et aussi le tournoi zonal qualificatif pour le tournoi interzonal, tournoi de sélection pour championnat du monde d'échecs. Il le remporte à quatorze ans sans perdre une partie avec huit victoires et cinq nulles.

Grand maître à quinze ans (1958)

La fédération américaine avait reçu en juillet 1957 une lettre de la section des échecs d'URSS qui invitait Fischer à visiter l'Union soviétique et qui proposait d'assurer les frais du séjour sur place (mais pas les voyages aller et retour). Pour collecter les fonds nécessaires au voyage à Moscou, Fischer apparut dans l'émission de télévision J'ai un secret. En posant des questions, les participants du jeu devaient essayer de découvrir qu'il était le champion d'échecs des États-Unis. Fischer réussit à garder son secret et empocha un chèque. En juin-juillet 1958, accompagné de sa sœur, il séjourna pendant trois semaines dans le meilleur hôtel de Moscou mais il fut très déçu car il voulait rencontrer les champions du monde Mikhaïl Botvinnik et Vassily Smyslov, ce qui n'était pas prévu. Seul le futur champion du monde Tigran Petrossian accepta de l'affronter dans quelques parties en blitz. En tant que champion des États-Unis, Fischer estimait avoir droit à plus de reconnaissance.

En janvier 1958, Bobby Fischer était devenu champion des États-Unis (adultes) à l'âge de 14 ans. Grâce à ce titre, il était qualifié pour participer au tournoi interzonal qui constitue l'étape suivante vers le titre de champion du monde. Le tournoi avait lieu à Portoroz, en Yougoslavie, en août-septembre 1958 et, dans l'intervalle, Fischer fut invité par la fédération yougoslave à disputer deux matchs contre Matulovic et Janosevic. Cependant, personne n'était prêt à parier sur la qualification du jeune Fischer (les six premiers du tournoi interzonal étant qualifiés pour le tournoi des candidats). Ce fut donc une surprise lorsqu'il termina cinquième ex æquo de cette compétition. Grâce à ce succès, il se vit conférer le titre de grand maître international à la fin de l'année. Ce record de précocité ne fut battu qu'en 1991 par Judit Polgár.

En décembre 1958-janvier 1959, Fischer remporta pour la deuxième fois le championnat des États-Unis.

Arrêt des études à seize ans (1959)

En mars 1959, dès qu'il eut seize ans, Fischer quitta l'école secondaire. Plus tard, il déclara que le moment qu'il préférait à l'école était la sonnerie qui indiquait la fin des cours. Dans une interview donnée en août 196139, il dit : « On n'apprend rien à l'école. C'est juste une perte de temps. (...) Ils donnent trop de devoirs scolaires. On ne devrait pas avoir de devoirs à faire. Cela n'intéresse personne. Les professeurs sont stupides. Il ne devrait pas y avoir de femmes. Elles ne savent pas enseigner. Et on ne devrait obliger personne à aller à l'école. Si tu ne veux pas y aller, tu n'y vas pas, c'est tout. C'est ridicule. Je ne me souviens de rien que j'aie appris à l'école. (...) J'ai gaspillé deux années et demi à Erasmus High. Je n'ai rien aimé. Tu dois te mêler avec tous ces enfants stupides. Les professeurs sont même plus idiots que les enfants. Ils parlent de haut aux enfants. La moitié d'entre eux sont fous. S'ils m'avaient laissé choisir, je serais parti avant d'avoir eu seize ans. » Cette interview fit beaucoup de tort à l'image de Fischer dans les médias lorsqu'elle parut en janvier 1962. 

À partir de 1960, les relations entre Bobby et sa mère se dégradèrent. À seize ans, il avait quitté l'école contre l'avis de sa mère qui pensait qu'il consacrait trop de temps aux échecs. Regina Fischer s'était inscrite au Comité pour l'action non violente (CNVA), un mouvement pour la paix. Elle participa à une marche pour la paix de huit mois, prévue en décembre 1960, qui devait aller de San Francisco à Moscou. Elle rencontra un professeur d'anglais et partit s'installer avec lui en Angleterre. Elle ne réapparut dans la vie de son fils qu'en 1972 et mourut en 1997.

Tournoi des candidats et tournois internationaux disputés en 1959

En avril 1959, libéré de l'école, Fischer partit en Argentine et au Chili pour disputer deux tournois. Il termina troisième ex æquo du tournoi de Mar del Plata et quatrième ex æquo à Santiago du Chili. Ces tournois furent remportés par Miguel Najdorf, Ludek Pachman (ex æquo) et Borislav Ivkov. Aucun joueur soviétique ne participait à ces tournois. Lors du tournoi de Zurich de mai 1959 (tournoi anniversaire du club de Zurich), il battit pour la première fois un joueur soviétique, le grand maître Paul Keres, et finit 3e ex æquo avec Keres derrière Tal et Gligoric. 

En septembre et octobre, il prit comme secondant Bent Larsen lors du tournoi des candidats au championnat du monde de Bled, Zagreb et Belgrade et termina premier joueur non soviétique à la cinquième place ex æquo avec Gligoric, derrière les quatre joueurs soviétiques Tal, Keres, Petrossian et Smyslov, mais devant Olafsson et Benko. Il marqua :

0 / 4 contre le futur champion du monde Tal ;

1 / 4 contre le futur champion du monde Petrossian (+0 –2 =2) ;

2 / 4 contre Keres (+2 –2 =0), Smyslov (+1 –1 =2) et Gligoric (+1 –1 =2) ;

2,5 / 4 contre Olafsson (+2 –1 =1) ;

3 / 4 contre Benko (+2 –0 =2).

À l'issue du tournoi des candidats et sur les conseils de Pal Benko, Bobby Fischer changea son apparence vestimentaire et, à partir du championnat des États-Unis 1959-1960, il n'apparut plus qu'en costume et cravate dans les tournois.

Premiers succès hors des États-Unis (1960–1961)

En 1960, après son troisième titre de champion des États-Unis (1959-1960), Fischer remporta ses deux premiers tournois internationaux : Reykjavik et, ex æquo avec Boris Spassky, le tournoi de Mar del Plata, au printemps. 

À l'automne 1960, à l'olympiade de Leipzig, Fischer remporta la médaille de bronze individuelle au premier échiquier de l'équipe des États-Unis et la médaille d'argent par équipe. En janvier 1961, il gagna son quatrième titre de champion des États-Unis, toujours sans perdre de partie et avec deux points d'avance sur Lombardy et trois points d'avance sur Reshevsky. Pendant l'été (en juillet-août), il disputa un match contre l'ancien prodige américain Samuel Reshevsky. Initialement prévu en seize parties, le match fut interrompu sur un score d'égalité (+2 –2 =7) à la suite d'un désaccord : la douzième partie avait été avancée à onze heures le dimanche matin pour satisfaire le mécène du match, Jacqueline Piatigorsky. Opposé à cet aménagement, Fischer ne se présenta pas à la rencontre et fut déclaré perdant par forfait. Il refusa de disputer une treizième partie si la douzième n'était pas rejouée. Reshevsky fut déclaré vainqueur du match et Fischer poursuivit la fédération américaine devant le tribunal. L'affaire se termina par un non-lieu mais le scandale fut relayé dans les médias (presse, radio et télévision) et ternit l'image de Fischer. 

En septembre 1961, Fischer marqua 3,5 points sur 4 contre les quatre joueurs soviétiques qui participaient au tournoi de Bled (Slovénie) : il battit pour la première fois Mikhaïl Tal, Tigran Petrossian et Efim Geller et annula contre Paul Keres. Seul l'ancien champion du monde (1960-1961) Tal le devança au tableau final. À la fin de l'année, Fischer ne participa pas au championnat de 1961-1962 mais resta en Europe pour se préparer au tournoi interzonal qui devait avoir lieu à Stockholm de janvier à mars 1962.

Coup d'arrêt à Curaçao (1962)

En mars 1962, Fischer remporta le tournoi interzonal de Stockholm avec 17,5 points sur 22 et deux points et demi d'avance sur les Soviétiques Tigran Petrossian, Efim Geller et Viktor Kortchnoï. Fischer était le premier joueur à devancer les Soviétiques dans un tournoi majeur d'échecs depuis 1946. En 1959, il avait déjà été, dès l'âge de 16 ans, candidat au titre mondial. Lors de sa deuxième tentative au tournoi des candidats de mai et juin 1962, il n'eut pas la réussite escomptée.  À Curaçao, il commença le tournoi par deux défaites et finit quatrième avec seulement 14 points sur 27. Il marqua: 

1,5 / 4 contre le futur champion du monde Petrossian (+0 –1 =3), contre Geller (+1 –2 =1) et contre Kortchnoï (+1 –2 =1) ;

2 / 4 contre Kérès (+1 –1 =2) ;

2,5 / 4 contre Benko (+2 –1 =1) ;

2 / 3 contre l'ancien champion du monde Tal (+1 –0 =2) qui, malade, avait abandonné lors du dernier tour du tournoi ;

3 / 4 contre Filip (+2 –0 =2).

Après le tournoi, il dénonça la collusion entre les trois premiers du tournoi, Tigran Petrossian, Paul Keres et Efim Geller, qui auraient conclu de courtes parties nulles entre eux pour préserver leur énergie contre lui. En 1965, la FIDE changea les règles du cycle de qualification en organisant des matches par élimination directe plutôt qu'un tournoi toutes rondes.

Premier retrait des compétitions internationales (1963 à 1965)

En août 1962, après son échec au tournoi des candidats, Fischer publia un article dans Sports Illustrated, où il accusait les Soviétiques de comploter pour conserver le titre de champion du monde et écarter les joueurs des autres nations. En 1963, il décida de ne pas participer à coupe Piatigorsky qui avait lieu à Los Angeles pendant l'été — le tournoi fortement doté fut remporté par Petrossian et Keres. En 1964, il boycotta les compétitions internationales organisées par la Fédération internationale : tournoi interzonal et olympiade d'échecs de 1964. Pour gagner de l'argent, Fischer commença à animer une chronique dans le magazine américain Chess Life en 1963. La même année, il participa à quelques tournois open aux États-Unis qu'il remporta facilement. Cependant le seul tournoi de haut niveau qu'il disputa entre février 1963 et août 1965 fut le championnat des États-Unis 1963-1964 qu'il remporta en marquant 100 % des points (ne concédant aucune partie nulle et aucune défaite, 11 points marqués sur 11). Entre février et mai 1964, il effectua une tournée de parties simultanées qu'il faisait payer 250 dollars par séance. De septembre à décembre 1964, Fischer donna des conférences au Manhattan Chess Club. À la fin de l'année 1964, le championnat des États-Unis 1964-1965 n'eut pas lieu pour des raisons financières.

Retour avorté dans le circuit des tournois (1965 à 1968)

La Fédération internationale (FIDE) répondit aux accusations de Fischer en remplaçant le tournoi des candidats par des matchs éliminatoires. En août–septembre 1965, Fischer effectua son retour dans les tournois internationaux, disputant le tournoi mémorial Capablanca de La Havane. Les États-Unis avaient interdit à Fischer de se rendre à Cuba et il joua toutes ses parties par télex depuis New York. Il termina deuxième du tournoi de La Havane remporté par l'ancien champion du monde Vassily Smyslov. Il marqua un point sur trois contre les trois joueurs soviétiques (une victoire contre Smyslov et des défaites contre Geller et Kholmov). En 1966, il termina deuxième après Spassky lors du tournoi de Santa Monica et marqua 1,5 point sur 4 (une défaite et trois parties nulles) contre les joueurs soviétiques finalistes du championnat du monde d'échecs 1966, Boris Spassky et Tigran Petrossian. 

En 1967, après avoir remporté le championnat des États-Unis pour la huitième fois (du 11 décembre 1966 au 1er janvier 1967), Fischer revint en Europe et termina premier des tournois de Monaco (mars-avril) et de Skopje (août-septembre). Dans les deux tournois, il concéda encore la défaite contre Efim Geller. En novembre 1967, il se retira du tournoi interzonal de qualification de Sousse en Tunisie, qu'il dominait largement (sept victoires et trois parties nulles après dix parties), parce qu'il refusait d'affronter consécutivement plusieurs joueurs soviétiques sans avoir de jour de repos et parce qu'il demandait à ne pas disputer de parties le samedi, pratiquant le sabbat selon les préceptes de l'Église universelle de Dieu (Radio Church of God, puis Worldwide Church of God) à laquelle il donnait 10 % de ses gains.

En 1968, brouillé par les conditions de son exclusion, Fischer ne participa qu'à deux tournois (Netanya en Israël et Vinkovci en Croatie) et il refusa de participer à l'Olympiade d'échecs de Lugano car les conditions de jeu (bruit et éclairage) ne lui convenaient pas. La même année, Fischer quitta New York et déménagea à Los Angeles. En 1969, l'éditeur Simon et Schuster publia son recueil de parties My 60 Memorable Games, mais Fischer ne disputa aucune compétition.

La conquête du championnat du monde (1970 à 1972)

En novembre 1969, Bobby Fischer refusa de participer au championnat américain de 1969. Le championnat, qui était un tournoi zonal, fut remporté par Samuel Reshevsky (huitième titre) devant William Addison et Pal Benko. Les trois premiers étaient qualifiés pour tournoi interzonal de 1970, première étape du cycle des candidats pour le championnat du monde 1972.

En mars 1970, Fischer revint à la compétition pour disputer le match URSS - Reste du monde qui avait lieu à Belgrade. Il accepta de jouer au deuxième échiquier  et battit l'ancien champion du monde Tigran Petrossian : 3-1 (+2 –0 =2). Il enchaîna en remportant le tournoi blitz de Herceg Novi (devant Mikhaïl Tal, Viktor Kortchnoï et Tigran Petrossian), puis les tournois de Rovinj–Zagreb (tournoi de la paix) et de Buenos Aires, devançant à chaque fois largement tous ses adversaires.

À la fin de l'année, Fischer, qui n'avait pas disputé le championnat des États-Unis de 1969 qualificatif pour le championnat du monde, fut repêché grâce au désistement volontaire de dernière minute de son compatriote Pal Benko, pour disputer le tournoi de qualification interzonal de Palma de Majorque qui se tenait du 9 novembre au 12 décembre. Après un très bon départ (5,5 points sur 6 possibles), il subit une petite baisse de régime : deux nulles, puis une défaite contre le Danois Bent Larsen lors de la neuvième ronde, suivies de deux parties nulles. Mais Fischer se ressaisit sur la fin en remportant ses sept dernières parties (dont l'ultime par forfait) pour gagner le tournoi avec 3,5 points d'avance sur ses plus proches poursuivants. Lors de ce tournoi, il renouvela sa performance du tournoi de Bled 1961 en marquant 3,5 points sur 4 contre les quatre participants soviétiques de l'interzonal65 : seul Polougaïevski parvint à annuler sa partie tandis que Smyslov, Geller et Taïmanov perdirent contre Fischer.

Par la suite, lors des matchs éliminatoires pour le Championnat du monde (le « tournoi des candidats »), le champion américain écrasa le Soviétique Mark Taimanov par le score de 6 à 0 au mois de mai 1971 à Vancouver au Canada, puis écrasa le Danois Bent Larsen sur le même score de 6 à 0, malgré la conviction du maître danois de sa victoire, en juillet 1971, à Denver aux États-Unis. Le dernier match de qualification l'opposa à l'ancien champion du monde Tigran Petrossian, joueur réputé pour sa solidité en défense, à Buenos Aires au mois de septembre 1971. Après un début de match équilibré (une défaite de chaque côté et trois parties nulles), Fischer aligna quatre gains et vainquit l'ancien champion du monde par 6,5 à 2,5. Avant de perdre la deuxième partie du match contre Petrossian, Fischer avait établi une série de 20 victoires consécutives (dont une par forfait) contre des GMI (sans aucune partie nulle) en parties officielles, un record inégalé à ce niveau.

À l'issue d'un match mémorable en Islande, surnommé le « match du siècle », qui tint le public en haleine, autant pour les parties que pour les péripéties hors compétition (menace de Fischer de ne pas participer, son forfait lors de la deuxième partie, ses exigences sur le placement des caméras ou l'absence de contact avec le public, etc.), il devint champion du monde à l'été 1972, en battant le Russe Boris Spassky, champion du monde sortant qu'il n'avait jamais vaincu auparavant. Ce succès, largement médiatisé, mit temporairement fin à 24 ans d'hégémonie soviétique sur le monde des échecs, et fut un tournant dans la compétition entre les États-Unis et l'URSS en pleine guerre froide.

Avec 2 785 « points Elo » au classement de la Fédération internationale des échecs de juillet 1972, Fischer devint le joueur qui avait atteint le plus grand classement Elo de l'histoire avant l'arrivée de Garry Kasparov dans les années 1980.

Réclusion et exil (1973 à 2008)

Fischer et l'Église universelle de Dieu

En 1972-1973, Bobby Fischer fit don d'un tiers69 de l'argent gagné à Reykjavik à l'Église universelle de Dieu (Worldwide Church of God). Bien qu'il ne fût pas un membre de ce mouvement religieux car il avait refusé d'être baptisé, il vécut dans un appartement loué à un prix modeste par cette communauté. Il refusait de suivre les préceptes et interdits de l'Église universelle qu'il trouvait ridicules. Cependant, il bénéficia de ses largesses : un jet privé, une limousine avec chauffeur, des invitations à des dîners et des billets de concerts. Un ancien champion d'haltérophilie, membre du mouvement, Harry Sneider, lui fit suivre un entraînement en natation, haltérophilie, football et tennis. En août 1973, le gestionnaire financier et conseiller de l'Église universelle de Dieu, Stanley Rader, organisa une conférence de presse où Bobby Fischer était présent. Rader déclara que Fischer annoncerait bientôt son retour sur l'échiquier mais qu'il refuserait toute offre pour disputer un match avec un montant inférieur à un million de dollars. Fischer répondit brièvement à une question lui demandant ce qu'il avait fait pendant la dernière année : « J'ai lu des livres, je me suis entretenu et ai regardé quelques parties, ce genre de choses. » Il avait accès à la bibliothèque de l'Église qui contenait des livres sur la religion et la théologie.

Fischer s'éloigna progressivement de l'Église universelle de Dieu. Son fondateur, Herbert W. Armstrong, avait prédit qu'une Troisième Guerre mondiale détruirait les États-Unis en 1972 et que ses membres trouveraient un refuge dans la ville de Pétra en Jordanie. Il avait annoncé le retour du Messie pour 1972 ou 1975. Fischer fit part publiquement de ses critiques envers l'Église universelle, déclarant dans une interview : « La vraie preuve pour moi furent ces (fausses) prophéties… qui me montrent qu'il (Armstrong) est un inqualifiable bonimenteur… Je me suis dit : cela ne semble pas juste, j'ai donné tout mon argent. Tout le monde me disait pendant des années (que 1972 serait une année où l'Église universelle serait un lieu sûr) et maintenant il sous-entend ne l'avoir jamais dit, alors que je me rappelle l'avoir entendu dire des centaines de fois. […] En aucun cas, il ne pourrait être le vrai prophète de Dieu. Ou Dieu est un masochiste et aime être ridiculisé, ou Herbert Armstrong est un faux prophète ».

Perte du titre mondial (1973-1975)

En 1973-1974, Fischer refusa les nombreuses offres de contrats qui lui étaient faites :

enregistrer des disques sur comment jouer aux échecs, pour un million de dollars américains ;

disputer un match contre Spassky à Las Vegas pour un million de dollars ou au Texas pour 1,5 million de dollars ;

écrire un livre sur le championnat du monde pour une « petite fortune » ;

réaliser une série de films qui auraient été diffusés dans le monde entier ;

réaliser divers spots de publicité (par exemple, une marque de soda lui proposa plus d'un million de dollars).

L'offre la plus intéressante, qui parvint en 1974, provenait du gouvernement zaïrois et proposait cinq millions de dollars américains pour organiser un championnat du monde contre Karpov pendant un mois dans leur pays. Bobby Fischer refusa sous prétexte que le match aurait été trop court et que le double du montant proposé avait été dépensé en une seule nuit lors de la venue de Mohamed Ali pour son match contre Foreman. Parmi toutes les propositions, Fischer n'accepta qu'une seule offre : pour vingt mille dollars, en 1973, il accepta de faire une apparition en tant qu'invité d'honneur au premier tournoi international des Philippines où ses dépenses furent payées ; il résida pendant un mois dans un hôtel près de Manille.

Fischer ne disputa plus aucune partie officielle (tournoi ou match) après qu'il eut conquis ce titre mondial. En avril 1975, il perdit son titre par forfait pour avoir refusé les conditions du match dont le but était de remettre son titre en jeu contre son adversaire désigné, le jeune Soviétique Anatoli Karpov (contre qui il n'a jamais disputé la moindre partie). Fischer voulait que le titre revienne au premier joueur remportant dix parties, mais la discussion achoppa car Fischer proposait une clause qui stipulait qu'en cas d'égalité à 9 partout, le champion du monde conserverait son titre.

En 1976 et 1977, des négociations furent entreprises par Karpov et la fédération soviétique pour organiser un match contre Fischer indépendamment de la fédération internationale. Les tractations échouèrent car Fischer voulait que le match soit appelé « match pour le championnat du monde professionnel », à quoi s'opposaient les Soviétiques. Sur le point de signer un accord partiel qui reporterait à plus tard la question du nom, Fischer déclara à Florencio Campomanes, le président de la fédération des Philippines qui était présent lors des négociations : « Je ne peux pas le faire en plusieurs fois. C'est tout maintenant ou rien du tout. »

Anti-christianisme et antisémitisme

Lorsque Fischer remarqua que Stanley Rader et d'autres responsables de l'Église universelle étaient des juifs convertis, il devint antichrétien et rejeta l'Ancien et le Nouveau Testaments.

Parmi les nombreux livres que Fischer lut, acheta et envoya à ses amis figurait Les Protocoles des sages de Sion. Il écrivit dans une lettre à Pal Benko : « J'ai étudié attentivement Les Protocoles des sages de Sion. Je pense que ceux qui les dénoncent comme un faux, une contrefaçon, un canular, soit se trompent, soit les ignorent ou pourraient bien être des hypocrites. »

Bobby Fischer lut également Nature's Eternal Religion, un livre raciste, antichrétien et antisémite publié en 1973 par Ben Klassen, le fondateur de l'Église du créateur (Church of the Creator). Fischer écrivit dans une lettre à Jack Collins : « Le livre montre que le christianisme n'est qu'un canular des juifs et un outil de plus des juifs dans leur conquête du monde. »

Il envoya à Collins un nouveau livre qu'il avait trouvé : Secret World Governement qui offrait la théorie d'une conspiration mondiale menée par les juifs et les accusait d'être des satanistes.

Retraite et réclusion (1975 à 1989)

En 1975, après avoir renoncé au titre de champion du monde, Fischer fit une croisière de deux mois autour du monde. Pour ne pas être reconnu, il avait laissé pousser sa barbe ; il cessa par la suite de se couper les cheveux. De retour en Californie, il habita dans un appartement appartenant à des amis de l'Église universelle : Arthur et Claudia Mokarow. Claudia Mokarow lui servait de tampon et d'intermédiaire avec les journalistes qu'il évitait à tout prix. Fischer passait ses journées à lire des livres qui s'entassaient dans son appartement de Pasadena, à faire de l'exercice physique (des randonnées ou de la natation à la piscine) et à étudier les échecs. Sa mère qui vivait en Allemagne de l'Est lui envoyait toutes les publications soviétiques sur les échecs. À la fin des années 1970, Fischer avait épuisé l'argent reçu pour le match de 1972, il ne vivait plus que des droits d'auteur pour ses livres (environ 6 000 dollars américains par an) et du chèque que la sécurité sociale envoyait chaque mois à l'adresse de sa mère qui vivait alors en dehors des États-Unis. Son loyer devenant trop cher, il changea deux fois de logement. Craignant que le KGB ou le Mossad ne veuille l'empoisonner, il amenait toujours avec lui une valise contenant divers contre-poisons lorsqu'il mangeait dans un restaurant. 

En 1982, Fischer publia un pamphlet intitulé I Was Tortured in the Pasadena Jailhouse! (J'ai été torturé dans les geôles de Pasadena !). Dans ce livre, il racontait les deux nuits qu'il avait passées en mai 1981 dans une prison, soupçonné dans un cambriolage de banque et refusant de donner son nom.

Les seules parties de Fischer publiées entre 1973 et 1991 furent trois parties disputées en 1977 contre un ordinateur du MIT82. Il ne joua aucune partie en public.

Depuis 1975 et l'abandon de son titre, sa personnalité bascula dans une paranoïa grandissante, notamment contre les juifs et les États-Unis qu'il accusait de comploter contre lui1. Dans un de ses articles, Steve A. Furman a attribué le comportement de Bobby Fischer à un trouble psychiatrique, le syndrome d'Asperger, mais le joueur d'échecs et psychiatre islandais Magnus Skulason qui connaissait le joueur n'est pas d'accord avec ce diagnostic. Lors d'une audience du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le Dr Louis Morissette cita Fischer comme exemple de « schizophrénie paranoïde ».

Match revanche contre Spassky (1992)

Depuis 1972, Boris Spassky restait en contact avec Bobby Fischer. En 1976, il avait épousé une diplomate française et s'était installé à Paris. Dans les années 1980, il jouait au premier échiquier de l'équipe de France lors des compétitions internationales par équipes. En 1988, il rencontra Petra Sadler en Allemagne lors d'un match de la Bundesliga (le championnat d'Allemagne par équipes). Pensant que Fischer serait intéressé par elle, Spassky donna l'adresse du champion américain à la jeune femme, lui suggérant d'écrire à Fischer et de lui envoyer une photo. À la surprise de Sadler, Fischer lui téléphona et l'invita en Californie. Après un séjour de quelques semaines à Los Angeles, elle retourna en Allemagne. Fischer, qui était appauvri, ne put payer l'avion pour partir avec elle.

En 1990, Boris Spassky contacta Fischer et l'informa que Bessel Kok était intéressé par l'organisation d'un match revanche Fischer-Spassky. Ce fut l'homme d'affaires qui paya le voyage et les frais du séjour des deux joueurs à Bruxelles. Le prix offert par Kok pour le match (2,5 millions de dollars américains) ne satisfaisait pas Fischer et les joueurs se séparèrent. Spassky retourna à Paris et Fischer, qui avait reçu de l'argent de Kok, partit en Allemagne où il retrouva Petra Sadler. Pendant un an, il vécut dans des hôtels, changeant continuellement d'emplacement pour éviter les journalistes qui le traquaient. Repéré par un journaliste du magazine Stern, Fischer retourna à Los Angeles.

En juillet 1992, Bobby Fischer, qui avait disparu complètement du monde échiquéen, réapparut pour annoncer un match revanche contre Spassky, 101e joueur mondial à ce moment-là. En 1991, le champion américain avait été contacté par une jeune joueuse hongroise de dix-sept ans, Zita Rajcsanyi, qui vint le voir à Los Angeles et découvrit son dénuement. De retour en Europe, elle utilisa les relations de son père, diplomate et membre de la FIDE et trouva un organisateur qui pourrait apporter cinq millions de dollars : Janos Kubat. Il avait avec lui le président de la banque de Yougoslavie, Jedzimir Vasiljevic, un ami de Slobodan Milosevic.

Le match, disputé de septembre à décembre 1992 à Sveti Stefan sur la côte dalmate et à Belgrade, fut qualifié abusivement de « championnat du monde » par les organisateurs et par Fischer, ce dernier prétextant ne jamais avoir perdu son titre de 1972 sur l'échiquier. Ce match se tint en Yougoslavie alors en pleine guerre civile et sous embargo des États-Unis. Fischer remporta de nouveau le duel, 10 victoires à 5 et 15 parties nulles, et empocha 3,35 millions de dollars. Le perdant, Spassky, reçut 1,65 millions de dollars. L'opinion des experts sur le match était que le meilleur joueur avait gagné mais que les deux joueurs vivaient toujours « dans l'époque romantique de 1972 ». Youri Averbakh écrivit : « Le Fischer d'aujourd'hui n'a clairement pas le niveau du Fischer de 1972. Il est inférieur dans l'exploitation de l'initiative, dans la concentration, la contre-attaque et finalement en technique. » Garry Kasparov déclara : « Dieu est redescendu sur terre. » Néanmoins la onzième et la première partie du match furent classées respectivement troisième et quatrième meilleures parties par l'Informateur d'échecs, no 56.

Si, grâce à sa victoire, Fischer avait gagné plus de trois millions de dollars, il dut payer un lourd tribut : il fut alors poursuivi dans son propre pays pour violation de l'embargo et fraude fiscale ; il lui fut interdit de retourner aux États-Unis car il risquait une peine de dix ans d'emprisonnement.

Exil et clandestinité (1993 à 2003)

Poursuivi par les États-Unis depuis 1992, Fischer séjourna plus ou moins clandestinement dans divers pays, aidé par des sympathisants : la Hongrie, les Philippines, l'Argentine et le Japon, où il arriva en janvier 2000. Il y fit quelques brèves apparitions médiatiques, notamment pour des déclarations antisémites très controversées. En janvier 1999, il déclarait à la radio, dans sa première interview depuis le match de 1992 : « Comme l'écrivait Adolf Hitler dans Mein Kampf, les juifs ne sont pas les victimes, ce sont les agresseurs ! »

Le 11 septembre 2001, quelques heures après les attentats de New York et de Washington, interrogé par Pablo Mercado, il s'emporte sur les ondes de Radio Bombo aux Philippines :

« C'est une formidable nouvelle, il est temps que ces putains de juifs se fassent casser la tête. Il est temps d'en finir avec les États-Unis une bonne fois pour toutes. […] Je dis : mort aux États-Unis ! Que les États-Unis aillent se faire foutre ! Que les juifs aillent se faire foutre ! Les juifs sont des criminels. […] Ce sont les pires menteurs et salauds ! On récolte ce qu'on a semé. Ils ont enfin ce qu'ils méritent. C'est un jour merveilleux. »

La mère de Fischer, Regina Fischer, mourut en juillet 1997 et sa sœur Joan en 1998, d'un infarctus. Fischer ne put assister à l'enterrement de sa mère et de sa sœur qui avaient lieu aux États-Unis.

Arrestation au Japon (2004)

Le 13 juillet 2004, alors qu'il tentait de s'envoler pour Manille, Fischer fut arrêté à l'aéroport de Tokyo-Narita parce que son passeport américain avait été annulé à son insu ; il fut placé pendant neuf mois dans le centre de détention pour étrangers d'Ushiku (département d'Ibaraki) au nord-est de Tokyo en attendant son extradition.

Asile politique en Islande (2005 à 2008)

En décembre 2004, devant l'émoi international causé par sa détention, il demanda l'asile politique à l'Islande, lieu de la conquête de son titre de champion du monde. Il obtint la citoyenneté islandaise le 22 février 2005 et put rejoindre ce pays le 24 mars. Le Département d'État américain se déclara déçu. 

En septembre 2004, il avait épousé Miyoko Watai , joueuse d'échecs amateur et présidente de la fédération japonaise avec qui il vivait depuis 2000 ; elle l'accompagna en Islande.

Par principe, suivant les enseignements de l'Église universelle de Dieu, Fischer refusait de prendre des médicaments. Lorsque ses problèmes urinaires commencèrent à être douloureux, en octobre 2007, il refusa de suivre une dialyse pour nettoyer son sang. Il mourut à 64 ans en Islande le 17 janvier 2008 des suites d'une défaillance rénale. À sa mort, l'ancien champion du monde Garry Kasparov déclara que « Fischer peut tout simplement être considéré comme le fondateur des échecs professionnels et sa domination, bien que de très courte durée, a fait de lui le plus grand de tous les temps ».

SmyslovVassily Vassilievitch (1921- 2010) : est un joueur d'échecs, grand maître international lors de la création du titre en 1950, qui fut champion du monde de 1957 à 1958. Il a été candidat au championnat du monde à sept reprises (en 1950, 1953, 1956, 1959, 1965, 1983-1984 et 1985) et a disputé quatre finales du championnat du monde (en 1948, 1954, 1957 et 1958). Après avoir terminé deuxième du tournoi pour le titre mondial de 1948, Smyslov a fait match nul avec le champion du monde d'échecs Mikhaïl Botvinnik en 1954, puis est devenu le septième champion du monde de l'histoire en remportant le match de 1957. Il détint le titre mondial un an, entre 1957 et 1958 lorsqu'il perdit le match revanche contre Botvinnik.

De 1952 à 1972, Smyslov a remporté dix-sept médailles individuelles ou par équipes (dont treize en or), lors des neuf olympiades qu'il a disputées avec l'équipe d'URSS, devenant le joueur le plus titré de l'histoire des olympiades.

Son père était un ingénieur et un joueur d'échecs expérimenté qui avait battu Alexandre Alekhine, alors âgé de vingt ans, à Saint-Pétersbourg en 19123. Vassili apprit les règles du jeu d'échecs à six ans. Il commença à participer à des tournois de sélection à quatorze ans. En 1935, il débuta avec le grade de joueur de troisième catégorie. En 1936, il entra dans le tournoi des joueurs de deuxième catégorie, et à l'automne de la même année (1936), celui de première catégorie. Smyslov s'entraînait dans le palais de pionniers.

En 1938, Smyslov remporta le championnat d'URSS junior et le tournoi national des joueurs de première catégorie disputé à Gorki. La même année, il participa au match de départage pour la première place du championnat de Moscou. Puis il participa régulièrement aux championnats d'URSS : il finit deuxième en 1944. En 1945, il occupe le deuxième échiquier de l'équipe soviétique lors du match disputé par radio contre les États-Unis : il bat un candidat au titre mondial Samuel Reshevsky par 2 à 0.

Après 1945, les performances de smyslov sont remarquables mais il est toujours classé derrière Mikhail Botvinnik : troisième à Groningue en 1946, Smyslov est considéré comme un candidat au titre mondial après la mort d'Alexandre Alekhine en 1946.

Smyslov fut deuxième au championnat du monde 1948 qui vit la victoire de Mikhaïl Botvinnik. Ils devançaient Kéres, Reshevsky et l'ancien champion du monde Euwe. L'année suivante, en 1949, il remporta le championnat d'URSS, ex æquo avec David Bronstein, la nouvelle étoile des échecs soviétiques.

La Fédération internationale des échecs organisait, après 1948, un match tous les trois ans entre le champion du monde et son challenger. Pour être candidat, il fallait être qualifié successivement au tournoi zonal (l'URSS constituait une seule zone qui qualifiait quatre joueurs), au tournoi interzonal (un tournoi de niveau mondial puis deux ou trois tournois dans les années 1970 et 1980), puis au tournoi des candidats : un tournoi en double ou quadruple ronde jusqu'en 1962 ou, à partir de 1965, une série de matchs des candidats à élimination directe où se rencontraient les huit meilleurs joueurs.

En 1950, Smyslov fut devancé par David Bronstein et Isaac Boleslavski lors du tournoi des candidats de Budapest. Lors du cycle suivant, il remporta le tournoi de Zurich en 1953, obtenant le droit d'affronter le champion du monde.

Smyslov put tenter sa chance contre le champion du monde en 1954 : après un match intense, les deux hommes se séparent par un match nul 12-12 (7+ 7- 10=) qui permit à Botvinnik de garder son titre. En 1956, il remporta le tournoi des candidats d'Amsterdam. Entre temps, il termina premier du championnat d'URSS en 1955 mais perdit en match de barrage contre Efim Geller 4 à 3.

En 1957, Smyslov affronta à nouveau Botvinnik à Moscou et l'emporta 12,5 à 9,5 (+6 –3 =13). Smyslov ayant vaincu Botvinnik, le champion battu pouvait demander un match revanche l'année suivante. Ce que fit Botvinnik, qui regagna son titre par 12,5 à 10,5 (7 victoires à 5). Smyslov devint aussi président de la puissante Fédération soviétique des échecs, mais ses nouvelles fonctions l'accaparèrent.

En 1959, il participa au Tournoi des candidats disputé en Yougoslavie mais il ne fut jamais vraiment en course pour se qualifier et laissa Mikhaïl Tal remporter le tournoi.

Les années qui suivent sont marquées par le contraste entre les bons résultats aux tournois internationaux (victoires à Mar del Plata, La Havane ou Monaco notamment) et les échecs aux championnats soviétiques, réputés pour être plus forts que les premiers. En 1961, il fut éliminé lors du championnat d'URSS de février qui était un tournoi zonal qualificatif pour le tournoi interzonal de 1962.

En 1964, Smyslov parvint à redevenir à nouveau candidat en remportant avec Spassky, Tal et Larsen le tournoi interzonal d'Amsterdam. Mais, en 1965, il est éliminé en match lors du premier tour contre Efim Geller, 5,5 à 2,5. En 1966-1967, il fut éliminé lors du championnat d'URSS qui était aussi un tournoi zonal. En 1970, il perdit lors du tournoi interzonal disputé à Palma de Majorque et remporté par Bobby Fischer. En 1973, à Petropolis, il termina cinquième alors que seulement trois joueurs étaient qualifiés pour le tournoi des candidats. Lors du cycle suivant, en 1976, il finit 5e-7e du tournoi interzonal de Bienne remporté par Bent Larsen. En 1978, il fut éliminé lors du tournoi zonal disputé en URSS.

 

Smyslov joua à un très haut niveau jusqu'à un âge avancé. Il termina deuxième du tournoi interzonal de Las Palmas 1982, et parvint en finale des candidats contre Garry Kasparov à Vilnius en 1984 (0 victoire, 4 défaites et 9 parties nulles). En 1985, il finit 8e-9e du tournoi des candidats de Montpellier, avec la moitié des points. Lors des tournois interzonaux de 1987 (à Subotica), de 1990 (à Manille) et de 1993 à Bienne, il fut éliminé de la course au titre mondial.

Smyslov fut ensuite encore champion du monde, mais des vétérans en 1991. Il est seul champion du monde à avoir disputé ce titre créé au début des années 1990. À plus de 70 ans, Smyslov était encore actif, participant régulièrement aux confrontations entre les vétérans et les femmes.

Gligorić Svetozar (1923 – 2012): est un grand maître serbe du jeu d'échecs. Figure marquante du monde des échecs et champion de Yougoslavie à douze reprises, il est considéré comme le meilleur joueur serbe.

Pendant les années 1950 et 1960, il est l'un des meilleurs joueurs du monde ainsi qu'un des plus populaires, grâce à sa participation fréquente à des tournois partout dans le monde et à sa personnalité charismatique dont on retrouve l'évocation dans son recueil de parties I Play Against Pieces (Je joue contre les pièces, c'est-à-dire sans hostilité envers le joueur adverse, en jouant seulement en fonction de la position sur l'échiquier plutôt qu'en fonction de la psychologie de l'adversaire).

Dans les années 1980, il fut l'arbitre principal du match de championnat du monde d'échecs 1984, de plusieurs matchs des candidats ainsi que de l'olympiade d'échecs de 1988. Il fut également président du comité d'appel du Championnat du monde d'échecs 1981 et du match revanche Fischer - Spassky de 1992.

Selon ses mémoires, son premier contact avec les échecs consista à observer, enfant, les clients d'un café du quartier. Il ne joua pas avant l'âge de onze ans, grâce à un pensionnaire que sa mère prit en charge (son père était mort plus tôt). Ne possédant pas de jeu d'échecs, il en confectionne un en sculptant des bouchons de bouteilles de vins, une histoire similaire à celle de son contemportain estonien, Paul Keres.

Gligorić est un bon élève pendant sa jeunesse, il obtient des résultats tant académiques qu'athlétiques qui lui valent de représenter son école à la fête d'anniversaire du futur roi Pierre II de Yougoslavie. Il racontera plus tard à David Levy, qui rapporte sa carrière échiquéenne dans The Chess of Gligoric, son malaise à assister à cette cérémonie huppée dans des guenilles trahissant le dénuement de sa famille. Son premier succès en tournoi arrive en 1938 lorsqu'il remporte le tournoi du club d'échecs de Belgrade. La Seconde Guerre mondiale interrompt durablement sa progression. Pendant la guerre, Gligorić est membre d'une unité de Partisans. Une rencontre fortuite avec un officier amateur du jeu lui vaut d'être exempté de combat, ce qui lui sauve probablement la vie. 

Après la Seconde Guerre mondiale, Gligorić travaille comme journaliste et organisateur de compétitions d'échecs. Il continue à progresser comme joueur et obtient le titre de maître international en 1950 et celui de grand maître international en 1951 et finit par se consacrer entièrement aux échecs.

Au début des années 1990, Gligoric rejoignit le « Cercle des intellectuels indépendants de Belgrade ».

Sa femme avec laquelle il s'était marié en 1947, tomba malade en 1973 et mourut en 1994.

En plus des échecs, la musique était une de ses passions. En 2011, il a publié un disque de compositions (jazz, balades, rap) : Kako sam preživeo dvadeseti vek (2011).