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Historique

 

L'échiquier de Charlemagne

         Pastoureau Michel (1911-1995 )

 

 

C'est un historien médiéviste français, spécialiste de la symbolique des couleurs, des emblèmes, et de l'héraldique.

Il est directeur d'études à l'École pratique des hautes études, où il occupe depuis vingt-sept ans la chaire d'histoire de la symbolique occidentale. Depuis sa thèse consacrée au bestiaire héraldique médiéval (1972), l'héraldique a toujours été au cœur de ses recherches et de son enseignement ; il est aujourd'hui président de la Société française d'héraldique et de sigillographie. 

 

 


Résumé du livre:

L'échiquier de Charlemagne (1990):

"Charlemagne n'a jamais joué aux échecs". Ainsi commence abruptement le bref et stimulant ouvrage qui complète avec bonheur le catalogue d'une exposition tenue au Cabinet des Médailles et Monnaies de la Bibliothèque Nationale de France. L'objet en est un échiquier dit de Charlemagne mais qui lui est en réalité postérieur de près de deux siècles: le jeu échec ne pénètre en Occident qu'à la fin du 10e siècle. L' étude de l'impressionnant ensemble de pièces d'échiquier en ivoire (certaines atteignent le kilogramme) véritable trésor ecclésiastique et royal, est ici l'occasion d'une réflexion sur l'histoire de ce jeu, sur son rôle dans la société médiévale, qui est celui d'un système symbolique exemplaire fournissant aux hommes un moyen de comprendre le monde et ses réalités cachées.

 Ce jeu qui fit partie du trésor de l'abbaye de Saint-Denis jusqu'à la fin de Ancien Régime, auquel vraisemblablement personne n'a jamais joué, fut anciennement attribué à Charlemagne. Ce est pas anodin. Faire de Charlemagne le premier possesseur de ces pièces d'ivoire, c'était les doter d'une mémoire dynastique, partant d'un pouvoir politique. Ce jeu échecs est plus qu'un jeu. Au reste, les échecs sont un jeu de roi, l'étymologie en témoigne. Si Charlemagne n'a pu y  jouer, si saint Louis les a fait condamner, suivant en cela l'ancienne opposition de l'Église, les échecs sont en revanche, dès la première moitié du 13e siècle, le principal divertissement de Frédéric II à Palerme et du roi de Castille, Alphonse le Sage. Cette sensibilité méditerranéenne aux échecs s'explique par sa diffusion qui s'effectua en effet principalement par l'intermédiaire des musulmans, même si, quelque temps plus tard, les Scandinaves en assurèrent aussi la pénétration en Europe.

 Mais cet  ouvrage insistent surtout, plus que sur histoire du jeu, sur les valeurs symboliques des échecs, qu' il s'agisse des systèmes de couleur de l'échiquier, qui varient significativement au cours des siècles, des rapports qu'entretiennent les échecs avec le mort et le vivant, domaine auquel appartient la matière dans laquelle la pièce d'échec est taillée, matière qu'on analyse trop rarement et qui est porteuse, elle aussi, de principes symboliques puissants; c'est judicieusement que l'auteur suggère que les archéologues s'attachent désormais à identifier, dans une optique plus anthropologique, la matière des pièces d'échiquier: ainsi il semble manifeste que les animaux dont on travaille l'ivoire sont choisis selon des considérations symboliques tirées des Bestiaires: ce sont en effet le morse, le cachalot, voire l'hippopotame, animaux fantastiques proches du monstrueux, mais aussi les bêtes de Dieu tels le narval (la licorne) ou l'éléphant, chaste et sage symbolisant l'Église.